5 cafés. 5 rencontres. Matis Leggiadro nous dresse le portrait vivant d’une nouvelle génération d’artistes et de créateurs à l’occasion de sa série Portraits d’artistes: les battements du vivant. Rencontre avec la photographe Veronica Mecchia.
Veronica Mecchia m’attendait au Nemours, place Colette. Ou bien m’attendait-elle à Venise, sur l’Île San Giorgio ? Nous nous sommes croisés quelques fois, à la Galerie Remèdes, puis sur l’Île Saint-Louis, à Paris. Et toujours cet appel à la lenteur du dire et du remémoré me donnait envie d’aller la revoir. Je tisse ma pensée autour de son œuvre depuis les premiers instants. Ses nouvelles confessions viennent parfaire le portrait d’une femme aux yeux bleus comme la lagune et aux pommettes bavardes comme des Italiennes. Reste cette capacité à ralentir les courses.
— La pierre m’a appelé.
— À quoi ?
— C’était un appel photographique.
Comme à son habitude, Veronica Mecchia arrive sur les lieux. « Le lieu est une rencontre dont je ne maîtrise pas la fortune. » Après une lente contemplation des espaces, elle s’engage dans ce monde lithique et chaud, son trépied et son appareil argentique comme charge. Elle laisse le reste tomber. Puis l’imagine-t-on positionner son trépied, y stabiliser son appareil ? Prête pour le rituel, elle s’assure du cadrage et déclenche le timer. Et la voilà, marchant, corps contre monde, et corps avec, vers l’espace délimité. Elle s’allonge. La pierre la réchauffe. Un doux friselis parcourt tout son corps. « Pour moi, la pierre est vivante. »
Attendre. Se relever. Puis oublier la photo.
Alors qu’elle dépliait sur ses jambes une serviette blanche pour déjeuner, Veronica Mecchia m’adressa d’abord son mot à la mort. Et je ne m’y attendais pas. La sérénité de ses photographies ne m’inspirait pas de fins. Et je n’étais pas le seul :
— J’ai candidaté pour un salon de la mort et pour un salon de l’amour, à Paris. Et à ma grande surprise, mes photographies ont été sélectionnées pour le salon de l’amour.
— Pourquoi cette surprise ?
— Disons que je travaille à propos de la mort depuis de longues années. J’ai commencé à m’intéresser aux vanités avant de changer de prisme créatif. Et les photos que j’ai envoyées ont été prises dans un contexte particulier : les tombaux paléolithiques.
— Est-ce que les roches sont pour toi des éléments à la marge du vivant ?
— Pour moi, c’est une réalité ancienne, d’abord. Puis, c’est la force d’un monde qui forme un tout. Les tombaux sont d’ailleurs nichés dans les grottes. J’y vois une renaissance : les corps sont restitués au monde. Donc non, au contraire !

Au Musée Rodin,Un buste apparaît, perdu sur un quai de gare, balayé d’ombres diffuses et fatiguées, sépulcrales.
Cette dynamique cyclique, ce mouvement pendulaire de l’existence, qui va et revient, Veronica Mecchia le connaît bien. Née à Paris, revenue à Paris, élevée en Italie et dans la somme de souvenirs manqués par la conscience, l’artiste habite les trous d’un texte qui la raconte. À la question du commencement, Veronica Mecchia répond avec aisance : « Tout commence avec l’appareil argentique de mon père. » Pour le reste, la photographe achromatique médite sur l’absence et chérit l’incertitude d’un vécu en des lieux indiscrets avec elle, dans une logique contre-productive qui déplaît à notre modernité et qui pourtant, lui sied magiquement.
Doucement, elle dit :
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