Christophe Ono Dit Biot (Crédit photo : JB Millot / Gallimard)
Christophe Ono Dit Biot (Crédit photo : JB Millot / Gallimard)

Plonger, du journaliste et romancier Christophe Ono-dit-Biot est un roman du voyage et du dépaysement, une plongée poétique aux quatre coins du monde. Une réussite.

22 août 2013
22 août 2013

César a perdu sa femme et écrit pour son fils. Il raconte au petit Hector son histoire d’amour avec sa mère, Paz, jusqu’à la mort de cette dernière. Pourquoi les a-t-elle quittés? Telle est la question à laquelle il tente de répondre. Pour cela, il brosse le portrait de Paz, le grand personnage de ce roman. Cette brune magnifique vient des Asturies en Espagne. Son caractère allie sensibilité et explosivité. C’est une artiste avant tout, une photographe de talent vouée à la renommée mondiale. César, lui, est journaliste proche de la quarantaine. A la tête d’une rédaction parisienne, il a voyagé dans les quatre coins du monde. Désormais, il ne veut plus quitter l’Europe, seul endroit où il se sent en sécurité.

Son couple avec Paz repose sur de lourds contresens. Leur histoire a commencé avec un article de César à propos du travail de Paz, qui lance la carrière de la photographe. Mais le journaliste a interprété le contraire de ce que l’artiste voulait signifier à travers ses clichés. De plus, l’Asturienne est éprise d’une envie de découvrir le monde alors que le Normand s’accroche au Vieux continent.

Malgré cet attachement, le narrateur offre au lecteur une plongée dans divers lieux du monde. Plonger est un roman du voyage et du dépaysement. Il réussit à transmettre la passion d’un pays: les Asturies, terre d’Espagne où l’on boit du cidre. L’expérience géographique est charnelle, comme à Gijon, la ville érotique par excellence selon César. “Oviédo avait du charme, mais Gijon, elle donnait envie de faire l’amour.” Une sensualité asturienne incarnée par la photographe. “Gijon pour moi, c’est ta mère, vibrante, tempétueuse, aquatique.” Il donne aussi à sentir l’histoire des Asturiens, ce peuple celte,  rude, qui s’est soulevé contre l’invasion des Maures au VIIIe siècle, et contre Franco au XXe. En lisant, on pourrait presque goûter aux jouissances dont regorge cette belle région:  “et sur cette table de bois, une tortilla jaune comme un soleil, des poivrons marinés dans l’huile d’olive suave, du jamon belli ta charnel à souhait.” Par les descriptions de ses plaisirs, César transmet à son fils une éthique du corps. Il faut “en tirer les plus belles sensations“, “le travailler pour qu’il soit beau et lumineux.”

Plonger réussit à transmettre la passion d’un pays: les Asturies, terre d’Espagne où l’on boit du cidre

En gardant cette épaisseur sensorielle, le roman traverse diverses contrées: l’Asie du sud est, le Moyen Orient, le Liban, Venise, la Corse, Montmartre. Le regard poétique du narrateur s’arrête sur les côtes du Havre. Une rencontre entre la Manche et l’industrie, entre nature et culture. On y voit “la mer, verte, pimentée d’écume, avec au large la silhouette des pétroliers qui glissent comme des baleines repues“.

L’auteur déploie un sens de la comparaison. L’image renvoie à des objets du quotidien, comme lorsque César contemple le ventre de Paz, enceinte et pleine de désirs d’ailleurs. Elle avait “la main sur son ventre comme la mappemonde qu’elle parcourait mentalement“.
L’observation marie acuité et précision. “Les nuages flottaient dans le ciel comme des particules de mousse à raser dans un lavabo“. La poésie visuelle de ce roman joue avec les symboles. Le petit Hector qui nage dans le ventre de Paz, a été conçu dans le ventre d’une baleine, oeuvre de l’artiste contemporain Loris Gréault. Le jeu symbolique se traduit par des successions de mises en abyme. Lors d’une exposition au Musée du Louvre, des visiteurs viennent contempler des photographies de Paz. Mais ces clichés représentent eux-même des visiteurs du musée qui admirent certaines œuvres.

Difficile de revenir à la surface après la plongée poétique que constitue la lecture de ce roman.

  • Plonger , Christophe Ono-dit-Biot, Gallimard, 22 août 2013, 448 pages