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Du dadaïsme au réalisme socialiste, d’Houra l’Oural à la Diane Française et du Con d’Iréne à La Semaine sainte, Louis Aragon fut de tous les kolkhozes littéraires. Mais ce stakhanoviste de l’écriture qui maniait aussi bien le roman à thèse que la rime révolutionnaire est aujourd’hui largement décrié pour son engagement aveugle dans le stalinisme. Paul Fuks, membre de la Société de Psychanalyse Freudienne et auteur, aux éditions de l’Age d’Homme, de Staline, pervers narcissique, revient pour Zone Critique sur la part d’ombre du fou d’Elsa, et s’interroge :  la “contrebande poétique” sous-tend elle l’œuvre du grand écrivain ?

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Haine et insultes ont accompagné Aragon tout au long de sa vie. On dira qu’il l’a bien cherché, et même bien mérité ; on répondra qu’aucune équation du premier degré ne rendra jamais compte d’un homme complexe, a fortiori d’un artiste d’envergure. Certes, il a été communiste jusqu’à son dernier jour ; certes, il a admiré des hommes et approuvé des faits hautement condamnables. Chacun le sait. Mais bien d’autres intellectuels et artistes, ayant partagé les mêmes errements, ne connaissent pas un tel traitement. Paul Éluard, pour ne citer que lui, ne subit pas le même opprobre. Pourtant, il fut tout aussi communiste et fut l’auteur de la fameuse Ode à Staline[1], souvent attribuée à Aragon. Bien d’autres exemples pourraient être évoqués de cette mansuétude qui contraste avec la détestation visant Aragon, sur laquelle on peut quand même s’étonner et réfléchir.

« Commencez par me lire » répétait Aragon à ses détracteurs. Or dès qu’on le lit, attentivement, on constate que les choses n’ont pas la simplicité des invectives. Pour ce faire, prenons strophe par strophe, vers par vers, un poème fameux Je chante pour passer le temps[2][3], pour dégager le sens latent du texte manifeste :

Je chante pour passer le temps
Petit qu’il me reste de vivre
Comme on dessine sur le givre
Comme on se fait le cœur content
À lancer cailloux sur l’étang
Je chante pour passer le temps

Aragon déclare n’écrire de la poésie – je chante[4]– que pour son seul plaisir, que pour jouer avec le temps. Voici donc un membre du Comité central du PCF revendiquant une gratuité de l’écriture : à l’époque du jdanovisme triomphant, cela seul devrait d’emblée éveiller l’attention.

J’ai vécu le jour des merveilles
Vous et moi souvenez-vous-en
Et j’ai franchi le mur des ans
Des miracles plein les oreilles
Notre univers n’est plus pareil
J’ai vécu le jour des merveilles

Puis, le poète, passant du présent au passé composé, prend son lecteur à témoin d’une remémoration et compare l’écoulement de la vie, dont l’âge accélère le flux, au franchissement du mur du son[5]. Or ni les merveilles ni les miracles mentionnés ne sont précisés. Notre auteur étant communiste, on croit comprendre qu’il évoque la Révolution d’Octobre et les succès de l’édification de la société soviétique, par lesquelles notreunivers, en effet, n’est pluspareil. Mais, surprise à la strophe suivante !

Allons que ces doigts se dénouent
Comme le front d’avec la gloire
Nos yeux furent premiers à voir
Les nuages plus bas que nous
Et l’alouette à nos genoux
Allons que ces doigts se dénouent

Alors que le lecteur s’apprête à savourer la description des merveilles et des miracles, deux vers sibyllins le prennent à contre-pied. Le premier lui fait remarquer que ses doigts sont noués et l’invite à un lâcher-prise, le second compare ce dénouement à la séparation du front d’avec les lauriers de la gloire. Quels sont ces miracles et ces merveilles, générateurs de tension ? À quelle victoire devrions-nous renoncer ? Est-ce l’évocation du jour des merveilles qui aurait noué nos doigts, qu’il faille à présent les dénouer ? La réponse vient aussitôt : nous avons été contemporains de la naissance de l’aviation. Ah bon ! Quels rapports peuvent bien lier les merveilles angoissantes et l’aviation ? Une consolation, peut-être ? Mais de quelles déconvenues ?

Cela ne tient pas debout. Sauf à envisager ce qu’Aragon appelait la « contrebande poétique » par laquelle, sous l’Occupation, il avait déjoué la censure de Vichy et pu être publié dans les revues autorisées en zone Sud. Par ce stratagème, il avait pu dire des choses interdites avec des doubles sens, des allusions historiques, des allégories, des métaphores, des symboles, et des lecteurs vigilants, sous les yeux de l’occupant, surent décrypter sous-entendus et clins d’œil complices. C’est dans La Diane française et Le Crève-cœur que cette contrebande a été la plus employée. Aragon s’en est longuement expliqué dans La leçon de Ribérac[6].

À vrai dire, celle-ci sous-tendra toute l’œuvre romanesque et poétique à venir jusqu’à son dernier recueil, Les Adieux. Le poète n’en a dit mot, et pour cause, car, par delà le bruit et la fureur de l’Histoire mondiale, ce qui l’atteignait le plus cruellement c’était la responsabilité du camp auquel il appartenait irrémédiablement. Ce qu’a bien vu Daniel Bougnoux[7] : « la contrebande a changé d’objet depuis la Résistance et porte désormais sur les aspects refoulés du communisme, en compliquant de plus belle les textes. »

« Elle n’est pas toujours faite pour être décryptée, explique Pierre Daix[8]. Loin de là. Il a dû souvent arriver qu’Aragon lève à demi un secret dans la conviction qu’il ne serait jamais percé. Aussi s’en est-il pris avec violence à moi dans ses notes sur la première édition de sa biographie[9] pour avoir tenté de semblables décryptages qu’il a traités de « maniaques ».

Il convient, en fait, de distinguer les efforts de dissimulation portant sur sa personne de ceux visant à « taire-sans taire » l’amertume due à la trahison de son idéal. Ce fut chaque fois la confrontation avec l’Histoire et ses persécuteurs successifs qui mobilisèrent chez Aragon la nécessité de tout dire à tout prix, selon tout subterfuge.

De plus, certains poèmes des années cinquante d’une « niaiserie délibérée[10]» et dont l’ostentation même révèle le désir d’attirer l’attention, d’être percée à jour, certains propos hyperboliques jusqu’à l’invraisemblance, ne relèveraient-ils pas aussi d’une manière de contrebande ? Quand – entre tant d’exemples possibles – il nous confie que les dernières paroles de sa mère avant de mourir, en 1942, furent : « Elle dit tout contre ma joue: « Staline… que dit Staline ?… »[11] ? Quand il déclare que dans chacun des dessins d’André Fougeron[12] « se joue le destin du monde » ? S’agissait-il d’ivresse du verbe ou d’antithèses à saisir ?

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François Mauriac, qui qualifie Aragon de « grand mamamouchi communiste », tranche : « Si le poème d’Aragon sur le retour de Thorez a désopilé depuis huit jours la rate des Français, on ne m’ôtera pas de l’idée qu’Aragon l’a voulu. Ces strophes burlesques ont été conçues pour se payer précisément cette tête-là, pour venger Picasso[13] avec éclat et sans risques. À un intellectuel de la classe d’Aragon, après l’humiliation qu’il a subie, il ne reste que de jouer le jeu à fond, de pousser l’ironie jusqu’au point où elle se confond avec le sérieux… Si Aragon se moque des militants dans l’expression cocasse qu’il donne à sa joie, cette joie est sincère, il n’en faut pas douter.[14]» En réponse à cet article, dans les Lettres, Aragon, pointant le bout de l’oreille, le cite malicieusement presque mot pour mot, permettant à ses lecteurs d’en prendre connaissance et  de comprendre de quoi il retourne…

La guerre passée, il ne s’agissait plus de berner la censure de Vichy, mais d’écarter la menace d’une condamnation par son parti, voire d’une exclusion. On sait quel désarroi l’a mené au bord du suicide, quand les hiérarques du PCF l’ont attaqué à propos du Portrait de Staline par Picasso. Lui, qui avait fait preuve d’assez de courage pour recevoir à deux reprises la croix de guerre – le 15 août 1918, pour avoir été le même jour à trois reprises enterré vivant par des obus et le 2 septembre 1940, avec palme et citation à l’ordre de l’armée en raison « d’un courage et d’un dévouement absolus[15]» –, qui avait participé à tous les esclandres et échauffourées des surréalistes, qui avait vécu plusieurs années dans la clandestinité de la Résistance, qui avant comme après la guerre avait plusieurs fois été menacé d’arrestation pour ses écrits, il n’a pu se dresser face au parti communiste français ni s’en affranchir. À l’évidence, c’est dans la fidélité même que son courage s’est investi, envers et contre tous. Ainsi clôt-il son poème À Novomeski[16] par :

Je te salue au crépuscule homme fidèle
Pour cela seul qui vaut qu’on en parle aujourd’hui
Nous sommes les bergers je te dis d’une étoile
De si loin si longtemps et malgré tout suivie
Nous sommes les bergers de toute notre vie
Et nos pieds écorchés s’en vont vers d’autres pierres
[…]
Pour être demeuré pareil à toi merci

On sait bien que quoi qu’ils disent, les poètes, ne parlent jamais, dans un jeu de miroirs, que d’eux-mêmes… Il est vrai également qu’il était otage d’une situation telle qu’au moindre écart de sa part Lili, la sœur d’Elsa Triolet vivant à Moscou, aurait été à coup sûr pour le moins « inquiétée ». Et ce qu’Aragon a livré de réflexion politique pour expliquer son engagement relève à l’évidence de la « superstructure »[17] justificative – tout juste calibrée pour les militants. Répondant à certains étonnements, un jour, Elsa a répondu : « Il faut voir à qui cela s’adresse ».

Bien plus convaincante que les arguties, en effet, est l’analyse en amont de l’histoire familiale[18] et de ses répercussions psychologiques qu’en donne avec finesse Julia Kristeva[19] : « Tout se passe comme si l’adhésion politique venait équilibrer un désordre affectif et passionnel insoutenable ». De plus, cette fidélité à toute épreuve au PCF et à l’URSS n’est pas sans rapport avec le fait que, comme dans sa famille d’origine, le secret et le mensonge y régnaient – il y était en terrain familier. « Ici, vous êtes condamnés au mensonge jusqu’à la mort[20]» a écrit François Mauriac à propos de la même bourgeoisie – quoi que d’une autre province. Qui s’étonnera qu’arrivé à l’âge adulte, Aragon ait prôné « le scandale pour le scandale [21]» ?

Plus tard, il a pensé pouvoir amender le parti de l’intérieur, mais le paradoxe est que dans cet effort, il s’est conformé à ce fonctionnement. L’autre paradoxe est qu’il a su utiliser ce travers pour en féconder son œuvre. « La contrebande chez lui est un des moteurs de l’écriture » observe Pierre Daix[22]. Pour lui, « il ne faut pas aborder par l’écriture le réel de face, comme à l’assaut, mais de biais, et avec une certaine « perversité ». Il prenait ce mot de façon étymologique, pervertere, retourner, renverser[23] ». L’art étant artifice, par cette autocensure de contournement, comme le romancier, le poète pouvait « mentir pour dire vrai[24] » en enfouissant ci et là des pépites de vérité. L’œuvre dans son ensemble, ses complexités et ses fourvoiements, nous offrent une étonnante dialectique entre l’inféodation politique et la libération progressive de son art – évolution très bien analysée par Olivier Barbarant[25].

Revenons à Je chante pour passer le temps. Si l’on admet donc une contrebande poétique à déchiffrer, on voit Aragon mettre en œuvre cette stratégie à l’encontre de ses camarades du parti. Bigre ! Ainsi, nous laisserait-il entendre que ces merveilles n’auraient été que de la pure propagande, des miracles Potemkine, dont on l’aurait gavé… plein les oreilles ? Notons que lesdites merveilles n’ont pas été constatées devisu par le poète : il ne les connaît que par les oreilles, par ouïe dire. Or pour Aragon : « l’auteur […] ne parle que de ce qu’il a vu ou pu voir, de ce qu’il a vérifié, touché, contrôlé de première main, il est le saint Thomas de notre époque, il a mis sa main dans la plaie du côté[26]. » Nous glisse-il, en douce, que les miracles n’en étaient pas, pas plus que les merveilles, pas plus que les fausses victoires couronnées de lauriers immérités ? Comme, par exemple, les pseudo découvertes de Lyssenko, ce prétendu « biologiste » soviétique, dont le brave petit soldat Aragon avait dû chanter les louanges en 1948[27]. Huit années plus tard, ici, il oppose l’aviation qui est une vraie gloire, une vraie merveille et non une tromperie. Voyons la suite du poème.

Nous avons fait des clairs de lune
Pour nos palais et nos statues
Qu’importe à présent qu’on nous tue
Les nuits tomberont une à une
La Chine s’est mise en Commune
Nous avons fait des clairs de lune

Après l’aviation, voici l’illumination des édifices et des sculptures. Où le poète nous mène-t-il ? À un spectacle son et lumière ? Au troisième vers, un drame se profile : on pourrait nous tuer à présent sans que cela importe ! Puisque les vers se suivent, quel lien de causalité y a-t-il entre les clairs de lune et le risque qu’on nous tue ? Voyons de près ces métaphores. En première lecture, on comprend ceci : grâce à l’éclairage électrique, nous avons magnifié nos palais et nos statues par des illuminations – des clairs de lune. La disparition des oppressions capitalistes (la chute des nuits) et la mise en Commune même de la lointaine Chine (la victoire du communisme bientôt sur la terre entière), réalisent l’aboutissement eschatologique promis par l’idéal communiste. N’est-ce pas la mise en vers du mot d’ordre de Lénine de 1920 : « Le communisme, c’est le pouvoir des Soviets plus l’électrification de tout le pays » ?

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« Quand bien même les derniers soubresauts de l’ennemi nous emporteraient, la victoire est acquise – qui vaut bien le prix de nos vies ». Nous voici en conformité avec l’orthodoxie idéologique. Jdanov donnerait son imprimatur. Mais, distillée par la contrebande, une tout autre lecture est possible, en deçà des apparences immédiates. Située presque au milieu du poème, cette strophe – seul endroit où affleure la violence – en est l’acmé dramatique et le pivot d’intelligibilité. On remarque que ces clairs de lune ne sont destinés ni au bien-être du peuple ni à sa réjouissance : ce ne sont pas les logements ni les usines ni les fermes ni les écoles qui sont électrifiés et mis à l’honneur pour le bonheur du peuple. Il s’agit, en fait, de l’illumination, de la glorification, de l’idéalisation des lieux du pouvoir – nos palais –, et donc des détenteurs de ce pouvoir – nos statues –. Ou plus précisément : DU détenteur du pouvoir absolu, statufié à travers tout le pays et qui n’a nul besoin d’être nommé pour être reconnu. « Nous étions prêts à expliquer les pires choses, en toute innocence[28]. » reconnaît Aragon en 1968. « Ce qu’il m’aura fallu de temps pour tout comprendre » regrette-t-il dans Le roman inachevé[29].

Remarquons encore que la chute des nuits n’est annoncée qu’au futur, que ces nuits sont donc encore en place et que leur obscurité, leur nocivité pèsent toujours. Si ces ténèbres ne pouvaient signifier, pour un lecteur comme Georges Marchais, que le joug des réactionnaires, elles ne se résumaient pas pour Aragon à cette seule acception. Loin de là. C’est qu’il n’a pas eu besoin des révélations du XXème Congrès pour être conscient de la qualité de la nuit dans laquelle était plongé le paradis stalinien. Pierre Daix[30] relate le retour de Moscou d’Aragon et d’Elsa Triolet le 30 janvier 1953 au Bourget ; il décrit Aragon brisé, subitement vieilli, ayant eu un malaise dans son bain qui manqua lui coûter la vie, et Elsa indignée racontant la furieuse campagne antisémite du complot des blouses blanches et que Staline préparait un pogrom. « Pierre, ce sont des nazis » avait-elle répété. En juin 1937, Aragon avait déjà eu matière à réflexion quand le général Vitaly Primakov, mari de sa belle-sœur Lili Brik, avait été exécuté prétendument pour espionnage[31].

« Aragon, dès les années 1930, lors de son premier voyage en Russie et, a fortiori, à partir des procès de Moscou, fut très au fait, comme il l’a avoué lui-même, du caractère répressif du régime stalinien : ce qu’il ignora, il voulut donc l’ignorer. » conclut Philippe Forest[32]. François Taillandier rapporte des propos d’André Stil[33] : « Louis savait beaucoup plus de choses que personne en France sur la vérité, les vérités de là-bas. Même que Thorez, peut-être. » On discerne mieux quelles nuits meurtrières hantaient le poète – d’autant plus tragiques pour lui qu’elles incriminaient son propre camp et fracassaient les mirages de sa jeunesse pour lesquels il avait été prêt à tout :

« Il y aura des grappes de désastres pour prix de l’incendie incomparable[34]»avait-il écrit en 1931 dans sa ferveur, ou plutôt, dans sa frénésie révolutionnaire par laquelle il pensait extirper et châtier cette bourgeoisie hypocrite qui avait confiné son enfance dans le mensonge. Par cette expiation – Qu’importe à présent qu’on nous tue -, le poète-militant faisait acte de contrition pour ses exaltations et ses compromissions, puis dans une attitude christique acceptait le sacrifice expiatoire et annonçait l’avenir – la fin des nuits. Il préservait malgré tout son rêve généreux, mais le reportait vers un au-delà quasi mythique, la Chine – on ne lui aura quand même pas tout pris… On l’aura blessé, mais pas détruit, pas réduit au silence, ni au désespoir. Il déploiera le lyrisme déchirant de la partie perdue d’avance, de la partie perdue sans recours[35]. Il est poignant de constater que l’échec était présent non seulement à la fin de la vie du vieil homme comme, par exemple, en 1960 dans Les poètes [36]:

J’aurais tant aimé cependant
Gagner pour vous pour moi perdant
Avoir été peut-être utile
C’est un rêve modeste et fou
Il aurait mieux valu le taire
Vous me mettrez avec en terre
Comme une étoile au fond d’un trou

mais dès 1931, dans Tant pis pour moi, le plus beau poème du recueil Persécuteur persécuté, où il décrit la mort de celui qui ne verra pas triompher sa révolution et auquel le poète, double sacrifié, s’identifie :

Et si l’œil du mourant pris à la charnière de l’univers ancien
aperçoit le printemps au delà des fusillades
qu’il regrette de ne pas vivre assez longtemps avec son corps et
son amour
qu’il le regrette bien tandis que le traverse avec la vitesse de la
lumière la baïonnette de la destinée

La prescience de l’échec personnel, contrepoint tragique à l’engagement aveugle, a précédé de loin la conscience de l’échec collectif. Revenons à notre strophe qui, dégagée de sa contrebande et mise au clair, peut désormais se lire ainsi :

Nous avons poétisé et louangé le pire des pires
À présent, quoi qu’il nous arrive,
Tant pis pour nous, nous l’avons bien mérité[37].
Mais, même ces horreurs prendront fin.
Et mon espérance va vers un nouvel Orient.

On comprend à présent de quoi, dans des jeux enfantins, le poète avait besoin de se laver l’esprit. Et l’on saisit l’ironie douloureuse du bilan émerveillé. Il est difficile aujourd’hui de concevoir la liberté d’esprit qu’il a fallu à un poète, membre du PCF, entravé donc, pour écrire au début des années 50 de tels vers, même travestis, même en contrebande. Le jdanovisme sommait alors chaque artiste, selon le mot d’ordre de Staline, d’être « un ingénieur de l’âme » au seul service de la propagande du parti. Ce « réalisme socialiste », qualifié par André Breton de « moyen d’extermination morale », faisait loi en France dans les rangs des artistes membres du parti. Et il faut mesurer l’effronterie, le crime de lèse-majesté que ce fut de ne plus se référer à l’Union soviétique – la patrie du socialisme, le pays du grand Staline – mais à la dernière venue du camp socialiste, la Chine – une Chine communiste dont alors, chez nous, on ne connaissait qu’à peine le nom du chef. Avançons dans le poème.

Et j’en dirais et j’en dirais
Tant fut cette vie aventure
Où l’homme a pris grandeur nature
Sa voix par-dessus les forêts
Les monts les mers et les secrets
Et j’en dirais et j’en dirais

Non, il ne multipliera pas les exemples de miracles qui noueraient nos doigts et menaceraient nos vies. Même de façon détournée, il en a déjà trop dit et il s’esquive en évoquant la science qui grandit l’homme. Il n’est plus question dans cette aventure des merveilleuses victoires soviétiques, à moins que celles-ci ne soient suggérées par les secrets. On appréciera que la répétition Et j’en dirais et j’en dirais, est précédée par les clairs de lune particuliers de la strophe précédente, et est suivie par l’évocation des secrets – double voisinage riche de sens implicite. Abordons la dernière strophe.

Oui pour passer le temps je chante
Au violon s’use l’archet
La pierre au jeu des ricochets
Et que mon amour est touchante
Près de moi dans l’ombre penchante
Oui pour passer le temps je chante

Le poète, revenu à son chant et à ses plaisirs modestes, constate que le temps vient à bout des jeux comme du joueur. Ne lui reste que son amour. L’absence de ponctuation et la proximité des rimes en ante autorisent à imaginer entre virgules Près de moi dans l’ombre, si bien que l’amour est à la fois touchante et penchante, car elle a vieilli et s’est voûtée en même temps que le poète. Nous voici loin de la politique. Cette dernière strophe dédiée à son amour annonce la transition de la fort médiocre poésie militante de l’après-guerre vers le cycle magnifique du culte d’Elsa. Vient enfin la chute du poème où deux dernières répétitions enfoncent le clou avec l’insolence d’un double pied de nez conclusif :

Je passe le temps en chantant
Je chante pour passer le temps

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Depuis le début du poème, l’on compte pas moins de six répétitions du vers Je chante pour passer le temps, véritable programme de rupture et orientation résolument étrangère à la doxa stalinienne – vers dont le redoublement clôt le poème par un point d’orgue provocateur. Cette insistance a valeur de manifeste pour un art poétique qui affirme que, sans oubli du réel ni des circonstances, le fait poétique n’est autre que le langage même et non son utilisation politique. « Il n’y a poésie qu’autant qu’il y a méditation sur le langage, et à chaque pas réinvention de ce langage » affirme Aragon[38]. On aurait tort de penser que cette contrebande ne fut que circonstancielle, du seul fait de périodes particulières. Quelques exemples suffiront[39] pour montrer qu’elle a concerné aussi bien l’Aragon communiste que le tout aussi communiste « dernier Aragon », qu’elle se lit en filigrane tout au long de l’œuvre – jusque dans le dernier recueil de vers paru de son vivant, LesAdieux. Qui soutiendra que, dans cet hommage à Lorca datant de 1963[40],  l’indignation d’Aragon ne concerne que Franco ?

Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue
Le massacre toujours justifié d’idoles
Aux cadavres jeté ce manteau de paroles
Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou 

En 1966, titrer un poème L’an deux mille n’aura pas lieu, inscrit l’auteur en faux contre l’imaginaire communiste de ces années selon lequel, en l’an 2000, la victoire du communisme sur le monde entier était inéluctable. À preuve, la pièce de Maïakovski Les bains[41], où la femme phosphorescente, venant de l’an 2030 dans l’URSS de 1930, y sélectionne les meilleurs et les emmène avec elle dans l’avenir radieux du communisme triomphant. Or ce poème, L’an deux mille… par sa profonde désespérance, est à l’exact opposé de l’optimisme volontariste de rigueur dans le discours communiste[42]. Et quand, à la fin du poème, le poète implore un refuge pour l’enfant craintivement qui commence à bouger, il ne semble guère avoir le moindre espoir puisque l’échec est assuré dès le titre. Dans ce long poème, tout entier formulé dans le vocabulaire chrétien[43], la contrebande court subrepticement au long des strophes pour affleurer l’explicite à l’avant-dernière :

Donnez-moi votre cathédrale où vous parlez si bien
Qu’on pourrait croire en Dieu dans le parfum des phrases
Et quand l’orateur est un autre à peine s’il
Y paraît au costume au vocabulaire à l’emphase
À la nuance à la rime au drapeau (…)
De quoi trembles-tu vingtième siècle à cette heure des prodiges

Tiens, tiens : l’orateur est un autre, donc pas un curé ; à peine s’il / Y paraît, et il parle si bien qu’on pourrait confondre celui qui croit en Dieu avec celui qui n’y croit pas ! Seul diffère à peine le costume ; pas de soutane, donc. Tiens, tiens : il a un drapeau, nous ne sommes plus dans une cathédrale, peut-être sur une tribune ? Tiens, tiens : voici l’heuredesprodiges dont tremble le siècle – souvenons-nous du jour desmerveilles qui nouait nos doigts. Voyons un autre exemple tiré des Adieux[44] où la violence de l’imprécation est celle de la souffrance de l’homme floué et où l’on retrouve François la Colère[45] :

Charognards le poids de votre genou
Le toucher de vos doigts profanateurs
Un discours jeté comme un drap sur vous
C’est cela que vous appelez l’Histoire[46][47]

Hormis les communistes campés sur leur « matérialisme historique », qui s’est jamais targué de détenir la science et la maîtrise du développement de l’Histoire – « de sa marche en avant » – véritable sauf-conduit pour l’infaillibilité politique et la prétention prophétique d’avoir toujours raison au mépris des hommes et de la réalité ? Enfin, dernier exemple :

C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit

lit-on en incipit de Que la vie en vaut la peine[48]. Ce qui peut s’interpréter de deux façons tout aussi pertinentes. À savoir la déception de n’avoir pu accomplir jusqu’au bout la vocation du poète de tout dire de la vie – sans limite. Et la confidence du poète annonçant qu’il mourra en emportant ses secrets. À cette ambiguïté, suivent plusieurs strophes débordantes d’une amertume extrême. Au point que l’espoir révolutionnaire, méritant tous les sacrifices au nom de plus grand que soi, n’est plus considéré que comme une croyance imbécile en l’azur[49]La répétition de Malgré y scande une succession de cauchemars et blessures – ceux-là même subis par Aragon l’année précédente, en 1953, lors de la ridicule et atroce crise de l’affaire du Portrait de Staline, où il fut contraint à une autocritique humiliante dans son propre journal, Les Lettres françaises, et poussé à deux doigts du suicide. Assurément, il a tout dit de la malfaisance humaine ; assurément, il n’en dira pas plus. Il n’en montrera pas moins sa blessure, à qui voudra la voir… Quand il termine une de ces strophes par :

Comme si ce n’était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre

il ne s’agit pas de météorologie, mais des forces gouvernant le monde qui écrasent nos vies et qui, aussi inexplicablement que merveilleusement, unmoment, semblent nous oublier, nous épargner. En épilogue, la dernière strophe est lourde de sens.

Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici
N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle

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Après le rappel des malheurs, Malgré tout devrait logiquement laisser espérer la consolation d’une vie finalement belle, mais la quasi-homophonie, qui substitue telle à belle, escamote le happy-end et le Malgré tout s’avère être antithétique. De sorte qu’au vers suivant, Aragon ne s’adresse plus à tout le monde, mais uniquement à ceux qui voudront bien l’entendre, énonçant ainsi la définition même de sa contrebande. Ce faisant, ce maître du bel canto nous inflige une sacrée cacophonie en accumulant trois « q » dans un seul et même alexandrin – Qu’a Qui voudra m’entendre à Qui je parle ici –, crécelle, image sonore de toutes les vilenies jusque là décrites. Puis, à l’intention des seuls lecteurs attentifs, il surprend encore en employant merci dans son sens médiéval : grâce ! pitié ! en toute logique avec ce qui précède. Enfin, comme à regret, comme épuisé, en un soupir presqu’inaudible, à contrecœur, en toute fin du poème, il finit malgré tout par lâcher la formule attendue, convenue : … que cette vie fut belle. Et la contrebande sauve le poème de la guimauve. Qu’il faille baisser le ton pour, la voix brisée, dire la chute du poème est confirmé par le premier vers du poème suivant[50] : Ce que je garde en moi je l’étouffe et le tue… Certes, certes, quand on a sa carte du parti et que l’on est à-jour de sa cotisation, on est un membre du parti communiste. Mais est-il communiste vraiment – au sens où on l’entend place du Colonel-Fabien – celui qui, en fin de vie, faisant mine de s’adresser à Hölderlin[51], écrit :

Maintenant tout est clair qui fut ténébreux
Et manifeste au rendez-vous que jamais ne viendra personne
Ma force est en cette science En cette certitude
Ma victoire Il a fallu me déchirer de mes mains
Pour en arriver à dire cela d’évidence

J’ai fait abandon du bonheur[52]

Je n’ai pas vu comment le Mal en Bien se change

En conclusion, la contrebande poétique aragonienne s’avère avoir été, en fait, dans une âpre et sourde lutte à contre-courant, la revendication secrète et douloureuse d’un quant-à-soi irréductible. Rien n’est dit et pourtant tout y est. Mine de rien. Comprenne qui pourra. Aragon s’adresse : « à qui voudra [l’]entendre ».

Paul Fuks

Notes :

[1] Elle fut écrite en 1950 par Paul Éluard et publiée, après sa mort en 1959, dans le recueil Poèmes pour tous (EFR, éditions du PCF, p. 175.) Ce poème se termine par : « Et Staline pour nous est présent pour demain
/ Et Staline dissipe aujourd’hui le malheur /
La confiance est le fruit de son cerveau d’amour /
La grappe raisonnable tant elle est parfaite. »

[2] Aragon, Le roman inachevé, Gallimard, Paris, 1956, p. 145. Dans le recueil ce poème n’a pas de titre ; le manuscrit, lui, porte le titre Le Passe temps. C’est Léo Ferré qui, finalement, a imposé le premier vers pour titre.

[3] Bien que non encarté, le chanteur Jean Ferrat a bien senti ce qui, dans ce poème, qu’il n’a pas chanté, ne concordait pas avec la bien-pensance du parti. Aussi, dans sa chanson Je ne chante pas pour passer le temps, il s’est permis de donner la leçon à Aragon.

[4] Aragon appelle « bel canto » la poésie. Ses Chroniques du bel canto sont consacrées à la production poétique des années d’après-guerre.

[5] « Hélas, j’ai passé le mur de jeunesse et je me désintègre. » a écrit Jean Cocteau le 3-08-1953, Lettres à Jean Marais, Albin Michel, Paris, 1987, p. 313.

[6] Aragon, « La leçon de Ribérac ou l’Europe française », préface aux Yeux d’Elsa, Seghers, Paris, 1945, p. 113.

[7] Daniel Bougnoux, « La tragédie politique », in Aragon, La parole ou l’énigme, colloque de 22-06-2004, ibid., p. 61.

[8] Pierre Daix, « Croisements et contrebande », ibid., p. 119.

[9] Pierre Daix, Aragon : une vie à changer, Flammarion, Paris, 1994.

[10] Olivier Barbarant, La mémoire et l’excès, Champ Vallon, Paris, 1997, p. 32.

[11] « Staline et la France », Les Lettres françaises, n° 456, 12-19 mars 1953.

[12] André Fougeron, chef de file du réalisme socialiste à la française et peintre officiel du PCF, ayant vécu des commandes de celui-ci. Souvent qualifié de « pompier de service », son œuvre, entièrement vouée à la figuration des luttes sociales, est tombée dans l’oubli.

[13] Venger Picasso de l’affront subit lors de l’affaire du portrait de Staline.

[14] François Mauriac, La paix des cimes Chroniques 1948-1955, Bartillat, Paris, 1999, p. 111.

[15] Philippe Forest, Aragon, Gallimard, Paris, 2015, p.p. 121-462.

[16] Aragon, Les Adieux et autres poèmes, Temps actuels, Messidor, Paris, 1982, p. 18. Laco Novomesky, 1904-1976, proche dans sa jeunesse des surréalistes, communiste depuis 1925, ami d’Aragon depuis 1934, condamné en 1954 pour nationalisme slovaque à 10 années de prison, relâché en 1956 et réhabilité en 1963. Il est tenu aujourd’hui pour le premier poète de Slovaquie.

[17] Ah, le charme du jargon communiste !

[18] Rappel : fils naturel et adultérin, jamais reconnu par son père, persuadé d’être le filleul de son père, le frère de sa mère, le fils adoptif de sa grand-mère maternelle. La vérité ne lui sera révélée qu’en 1918, à la veille de son départ pour la guerre.

[19] Julia Kristeva, « Le “mentir-vrai”, inexpugnable contemporain », in Aragon, La parole ou l’énigme, colloque de 22-06-2004, ibid., p. 12. Daniel Bougnoux, « La tragédie politique », ibid., p. 52. Roselyne Waller, « Une mythologie dont j’étais à la fois le Sphinx et l’Œdipe », ibid., p. 28.

[20] François Mauriac, Thérèse Desqueyroux. Œuvres romanesques, La Pochothèque, p. 323.

[21] Aragon, Le libertinage, Gallimard, Paris, 1977, p. 274.

[22] Pierre Daix, Croisements et contrebande, ibid., p. 122.

[23] Ibid., p. 122.

[24] Aragon, Le mentir-vrai, Gallimard, Paris, 1980, p 24.

[25] Olivier Barbarant, La mémoire et l’excès, ibid.

[26] Pierre Daix, Croisements et contrebande, ibid., p. 119.

[27] Revue Europe, numéro spécial, octobre 1948. Louanges dispensées avec tant de distorsions de logique que l’adhésion d’Aragon à ces théories est tout sauf évidente et laisse deviner la contrebande.

[28] Dominique Arban, Aragon parle avec Dominique Arban, Seghers, Paris, 1968, p. 93.

[29] Aragon, Le roman inachevé, ibid., p. 15.

[30] Pierre Daix, Aragon, ibid., p. 455.

[31] Victime avec le maréchal Toukhatchevski des Grandes Purges et réhabilité en 1957, en même temps que ce dernier et tant d’autres.

[32] Philippe Forest, Aragon, ibid., p. 569.

[33] François Taillandier, Aragon, ibid., p. 126.

[34] Aragon, Persécuté persécuteur, Éd. surréalistes, Paris, 1931, p. 54.

[35]Je me promène avec / Un grand trou dans le cœur. lit-on dans Échardes, in Les Adieux et autres poèmes, ibid., p 7.

[36] Aragon, Les poètes, Gallimard, Paris, 1960, p. 163.

[37] Qu’avons-nous permis Pablo mon ami / Pablo mon ami nos songes nos songes   Aragon, Élégie à Pablo Neruda, Gallimard, Paris, 1966, p. 26.

[38] Aragon, « Arma virumque cano », préface aux Yeux d’Elsa, 1942, Seghers, p. 15.

[39] Je m’en voudrais de priver un universitaire du plaisir d’une telle recherche sur l’ensemble de l’œuvre poétique, romanesque et journalistique, qui devrait faire son bonheur pendant quelques bonnes années…

[40] Aragon, Le fou d’Elsa, Gallimard, Paris, 1963, p. 376.

[41] Vladimir Maïakovski, Les bains, pièce en quatre actes, avec cirque et feux d’artifice. In Elsa Triolet, Maïakovski, Éditeurs Français Réunis, Paris, 1957, p. 430.

[42] «Je ne connais rien de plus cruel en ce bas monde que les optimistes de décision. Ce sont des êtres d’une méchanceté tapageuse…» a-t-il écrit après que son journal ait été sabordé par ses « amis » politiques. (Les Lettres françaises, 11 octobre 1972.)

[43] Le communisme d’Aragon fait méconnaître son christianisme, athée certes parce que sans Père ni Salut, mais christique, doloriste et très prégnant.

[44] Aragon, Les Adieux. Et autres poèmes, ibid, p. 66.

[45] François la Colère, pseudonyme d’Aragon entré en résistance.

[46] François Taillandier ne s’y est pas trompé, qui cite cette strophe bien à propos dans son Aragon, Fayard, 1997, Paris, p. 13.

[47] Lors de l’inauguration du lycée Paul Éluard de Saint-Denis, le 29 mai 1965, en présence des lycéens et du maire de Saint-Denis, Auguste Gillot, important cadre du PCF (on devine ce qu’a été son discours et l’on comprend à qui s’adressait l’apostrophe Charognards…), Aragon a prononcé un hommage fort peu académique, assez proche en esprit du tract de 1971 du Dr Carpentier Apprenons à faire l’amour. Bref, alors qu’il prononçait, en plein air, son allocution, un avion a survolé si bas l’assistance qu’Aragon a dû s’interrompre un instant – fait par lequel prennent sens les vers (qui précèdent la strophe citée) : « Et la vie alors se réduit au bruit / Dans le ciel d’avions qui se promènent ». J’étais présent, je pense donc avoir été témoin des circonstances qui inspirèrent ce poème. Certains se sont enorgueillis de pouvoir dire de la bataille d’Austerlitz : « j’y étais ». Moi, j’étais à Saint-Denis ce jour-là… P. F.

[48] Aragon, Les yeux et la mémoire, Gallimard, Paris, 1954, p. 17.

[49] Pas plus absurde cette croyance imbécile, soit dit entre nous, que celles en la résurrection de la chair ou en la conception virginale (« Credo quia absurdum », « C’est certain, parce que c’est impossible. ») – absurdité tout à fait assumé par Tertullien et, jusqu’aujourd’hui, par quelques autres…

[50] Aragon, « Les vêpres interrompues », in Les yeux et la mémoire, ibid., p. 25.

[51] Aragon, Les Adieux. Et autres poèmes, ibid., p. 21.

[52] Ah, comme les communistes aimaient répéter la formule de Saint-Just : « Le bonheur est une idée neuve en Europe » !