Marceau, un jeune chef d’entreprise brillant, est en proie à un sentiment de vide malgré ses réussites. Il se souvient douloureusement de cette femme « belle comme un tableau », mais rongée par ses propres démons. Entre rencontres éphémères et désirs ambigus, il se confronte à son syndrome du sauveur. Une réflexion sur le succès et la solitude.
« Tu es rentrée de New York ? »
« Oui, depuis un an. »
« C’était comment ? »
Il ne s’attend pas à grand-chose. Qu’est-ce qu’elle pourrait lui dire ? Rien de très intime, beaucoup d’anecdotes qui ne font que frôler son expérience là-bas. Elle dit que son séjour l’a changée. Il a du mal à y croire.
C’est dur d’être convaincu par quelqu’un qui dit qu’il a vécu quelque chose. D’où il est dans la vie, tout se ressemble.
Quand elle a fini, il enchaîne sur des blagues. Il l’a jaugée assez bien et il est heureux de voir qu’elle rit librement, la gorge en arrière comme un petit oiseau.
Soudain, ils se taisent, d’un même mouvement. Et ils regardent de loin l’ami qui s’en va en se dandinant aux toilettes, une énorme paille en papier à la main. Ils savent à quoi s’attendre et deux minutes plus tard – un silence juste un peu gênant s’est prolongé – il se précipite à nouveau dans la salle, comme un ressort, avec des étincelles dans les yeux. Il parle plus fort et il gesticule.
« Bon anniversaire, vieux », murmure Marceau, à destination de la jeune femme. Elle ne rigole pas. Elle s’ébroue. Comment dire. C’est étrange, en tout cas. Elle n’est pas contente, comme si c’était sa responsabilité, cet ami qui n’arrive pas à tenir ses résolutions. Il voudrait lui dire : tu sais, les drogués… Il en sait quelque chose. Mais il ne dit rien. Le moment est passé.
A partir de là, il sent qu’elle veut partir. Elle se force à parler encore un peu en regardant de temps en temps la porte d’entrée. Marceau sait prévoir les sorties. Il lui adresse un geste de la main quand elle passe le palier du bar.
Quand une fille s’éloigne et lui présente son dos, il a du mal à ne pas la voir elle. La femme des tableaux, celle qui l’a salement mis à terre, entre deux appartements haussmanniens, sur l’île Saint Louis, dans un cadre idyllique qui prêtait à tout sauf à ça. C’est du passé.
Marceau se retrouve à quatre heures du matin dans un rade miteux. Autour, il y a des étudiants, il y a des artistes de la scène parisienne, il y a des habitués et il y a lui, le jeune chef d’entreprise génial et ambitieux. Il n’est pas tout à fait tout seul. Il parle avec des inconnus qui lui décochent de grands sourires car il est beau.
Il sait qu’il ...