Dans ce récit, Fiona Marazano explore les tensions intimes d’un corps féminin en quête de contrôle, de jouissance et de révolte. Une femme s’observe devant le miroir, et se transforme en jouant de son regard et de celui des autres. Entre fantasme, chirurgie, masturbation et solitude, elle tente de reprendre la main sur sa chair et sur sa vie. Un texte cru, frontal et charnel.
Tu as un corps. Tu le sais parce que l’homme y a posé ses mains, l’autre soir, et tu l’as remercié avec la langue. Chaude et molle pour que ça glisse. Il a dit que tu le faisais bien. Ça t’a rendu heureuse.
Tu ne sais pas pourquoi tu aimes tant leur approbation. Que les mâles acquiescent, « C’est bien », qu’ils te sourient-fiers pour que tu sois fière aussi. Si en plus ils embrassent ton cou et caressent le haut de ton crâne, tu as tout gagné. Reine du soir, chienne de la nuit. Si ça aboie c’est grâce à toi.
Tu te demandes qui tu serais sans ta chair. N’es-tu pas trop sotte pour attiser sans le chaud de ta peau, sans le souffle noir que tu craches de bon gré ? Tu les brûles et ils aiment. Ils te regardent avec cœur, calcinés jusqu’à l’os. Tu les rends grands. Tu es quelqu’un.
Lorsque l’homme t’use sur sa sueur, tu te sens soleil sur la mer. Clapotis des vagues creuses et vase épaisse sur les chevilles. Le temps s’en va quelque part, tu le cherches de la main à tâtons. Tu penses que c’est ainsi la vie. Qu’on se consume de toute façon, qu’on ne fait que ça, mourir quoi qu’il arrive alors autant mourir bien. En poésie des doigts, sous le poids des nuits courtes, des mains sur la bouche et sous le cou, des mots crus échappés sans faire exprès. Autant faire des cendres avec ce que tu sais donner.
Tu aimes regarder les hommes de très près. Celui-là surtout. (Et un autre plus tard.) Prendre en otage les détails de la peau, les tâches de rousseurs, les yeux mi-verts mi-marrons on ne sait pas trop ; les pores sont larges et gras quand on y prête attention. Tu sens ta violence dans ce bas ventre qui hurle, qui crève, affamé. Tu voudrais mordre jusqu’à la chair, sucer au sang. Et disparaitre juste après. T’échapper en vitesse de ta honte, de ces désirs qui sont toi et que tu choisirais d’enterrer si tu le pouv...