Il est ici question de violence. Pas la violence qui vous plie, celle des corps que l’on contraint, que l’on force, que l’on soumet à quelque ordre politique. Il s’agit de la violence qui déplie les vivants. La violence primordiale d’un feu que le désir-allumette déclenche. Pour ce Dimanche Rose, texte brûlant proposé par Claire Von Corda.
– « Mange ma chatte » je m’entends soupirer pendant que tes lèvres écrasent les miennes. Les mots sortent, réflexe nerveux, la honte me crispe. Tu ne relèves pas et prolonges notre étreinte.
Sur la place devant la basilique, je ne t’ai pas cherché longtemps. J’avais deviné que tu viendrais à ma rencontre, j’ai emprunté ce chemin exprès. Notre premier baiser. Les cloches ne sonnent pas, le ciel est gris, les clochards sur le banc mangent des sandwichs. Quand tes mains caressent mes fesses, ta langue dévore la mienne, ils se mettent à siffler, applaudir – j’ai attendu ce moment depuis tellement d’années.
Des messages échangés, virtuels, nous ne nous connaissons mais pas de cette manière, tu es marié et père.
Lorsque je t’aperçois ce matin, à dix heures, le froid vif, sur la place circulaire, des passants rapides, tu ne m’as pas encore remarqué, je n’ose pas te faire signe. Je marche, tête baissée, mais finalement, happée, euphorique, je te fixe en te souriant comme une conne. Le tien remonte jusqu’aux oreilles. Face à face, nous n’avons pas les mots, trop timides, fous de désir ; on se jette l’un sur l’autre, nos bouches, nos langues. Accordées, impatientes. Et ce baiser alors rassemble nos existences. Il invente des souvenirs, relie nos actes manqués et efface nos vies de l’un sans l’autre. Il grave notre rencontre, grande, notre lien, de deux êtres. Et c’est dans cet instant de grâce, que j’entends les mots débiles sortir de mon souffle.
« Mange ma chatte ».
Bien sûr que je te désire, me branle sur toi depuis des jours, je suis trempée mais je tremble. Gorge serrée, les mains glacées, je transpire sous les bras.
Je veux que ta langue glisse sur mon sexe comme elle le fait à cet instant sur la mienne, qu’elle apporte sa chaleur sur ma peau brûlante. Mais on ne dit pas choses-là, si ouvertement, embarrassée, glacée d’effroi. Tu ne remarques pas, je me demande même si tu as entendu, compris, tu m’embrasses toujours. Nos dents s’entrechoquent, une maladresse d’adolescents. Et puis nous nous adaptons, trouvons notre rythme. J’ouvre grand les yeux, ta peau en gros plan, les immeubles gris autour, le paysage tourne, le temps se suspend. Sur un plateau de la ville, des chênes au-dessus, la basilique massive, un blockhaus noir et les clochards enthousiastes. Intimidés, nous arrêtons le spectacle. Je sens ton érection à travers ton jean, je te guide à ma voiture par la main.
Dans le silence amoureux, tendre et bouleversant de notre trouvaille, je n’ose pas te regarder mais un sourire me scie le visage. Un sourire douloureux, tendu, les muscles réveillés. Pendant que ta main moite touche la mienne minuscule dans ta paume, pendant que l’air frais du mois de mars, d’octobre ou d’août s’engouffre dans mon blouson, une certitude se fixe. Tu seras le dernier, tu m’arracheras le cœur. Je marche, te tiens. Un pressentiment. Mes mauvaises habitudes vont réapparaitre, les mauvais jours revenir ; tout ce que j’ai appris, notre union va le pulvériser, je suis foutue. Pourtant un sourire immense me défigure.
Dans la voiture, tu rougis, je transpire. Ma voiture est petite, tu recules le siège, sembles mal à l’aise et trop grand pour ma Clio. Je te demande si tu conduis, ma question trop réelle menace de casser la magie du cocon. Tu me souris, tes yeux de suie. Tes yeux de fous ; aussi amoureux qu’en colère, ils porteront toujours cet éclat jusqu’à notre séparation. J’ai envie de pleurer, te manger, je souris, gênée, cherche de la contenance, finalement tu te jettes sur moi. Tu chopes mon menton et le tourne vers ta bouche. Ta langue identique à la mienne, courte, nerveuse, dévouée. Tu me ressembles. Ta peau, tes grains de beauté ; je pense au mythe de l’âme sœur, à l’inceste, la fusion. Mes mauvaises habitudes reviennent, j’essaie de les chasser de ma tête, mes mauvais jours.
J’attrape ta braguette, la bosse dans ma main, est-ce qu’un jour tu quitteras ta femme, est-ce que je deviendrai si importante. Je chope ton érection et m’embarque dans un torrent de cyprine.
Pendant que nos langues tournent, que tes dents mordent et cognent, mes doigts s’agitent à rentrer dans ton caleçon, s’écraser sur ton ventre, se glisser dans tes poils ; ta ceinture de cuir trop rigide à défaire. Tu halètes, fermes les yeux fort. Je te fais un ...