C’est la fin de l’été, la fin d’un lieu. Dans un hôtel du littoral, suspendu entre terre et mer, le narrateur contemple ces territoires fragiles en voie de disparition, menacés par les marées montantes autant que par les assauts du temps moderne. Avec délicatesse, Tiphaine Mora saisit l’atmosphère étrange de ces espaces côtiers en sursis, où la nostalgie se mêle à l’urgence d’un monde sur le point de disparaître.

Les espaces liminaires, ou liminaux, sont généralement des lieux de transition liés au concept de liminarité et souvent associés aux concepts de weirdcore, dreamcore, traumacore, kidcore, nostalgiacore ou simplement à la nostalgie. Wikipédia.

Ça y est. On va plier bagages. Août entame son déclin, on sent sur nos peaux tannées un parfum de pluie et de buée. Les fenêtres claquent sous la pression du vent. Je m’interroge à propos des propriétaires en traversant le couloir de l’hôtel, ma paire de palmes dans une main, mon masque et mon tuba dans l’autre ; existent-ils en dehors des vacances ? C’est comme si ce corridor à la moquette usée, aux tapisseries saturées, avait entamé sa désintégration annuelle. Déjà, le sol bouge sous mes pieds. Et bientôt, ces portes avec leurs numéros, cette tapisserie à liserés et ces aquarelles à motifs marins qui ornent les murs de la salle commune et du restaurant se dissoudraient dans la fin de l’été.

On connaît bien les Rivière. Je dis, on les connaît, parce qu’on vient ici depuis des années. Ils nous parlent du temps, on leur parle de pêche, de baignades, de plongée. Ils sont deux, un homme et une femme. Toujours postés au comptoir d’accueil. Par la baie vitrée, ils regardent la mer. Ils pensent leurs affaires.

Nonchalants, circonspects. Rien ne semble atteindre leur humeur égale. Et pourtant, il doit y avoir des bonnes et des mauvaises années. Des étés où le tiroir-caisse tarde à se remplir. D’autres où il est plein à craquer. Et, derrière le décor immuable de l’hôtel, leur vie. À quoi occupent-ils leurs jours hors de ce théâtre saisonnier ? Où sont leurs plaisirs et leurs peines ? Ont-ils des amis, des enfants ? 

Je me demande comment ils ne peuvent pas être lassés par ce sempiternel ballet ; la musique du manège qui commence à tourner en milieu d’après-midi. Les aboiements des petits chiens qui passent sur la promenade aménagée. La friture des beignets pour les baigneurs affamés. Les gens enduits de produits anti UV qui s’ensoleillent du matin au ...