Faire l’amour est une affaire de relation viscérale. Il y a la douceur de la soie, et la réalité effrayante des organes. L’entrechoc, surtout, des dents et des bassins. Le pur et l’impur ne s’opposent pas, ils s’embrassent dans une boue de sueur. Avec ce Dimanche Rose, Alice Rameliet nous emmène dans l’atelier du peintre, cet amant aux ongles sales et à la poigne féroce. Il faudrait lâcher prise sous ses yeux, mais enfin l’esprit et sa vieille quête de pureté résistent. 

Il s’appelle Angelo, il est peintre. Elle lui rend visite à son atelier pour la Saint Valentin. Dès qu’il ouvre la porte il lui prend la main et il lui dit « J’ai le cœur qui bat à mille à l’heure tellement j’ai envie de vous embrasser ». Que dire ? elle se laisse embrasser, et des phrases comme ça il en dit encore et encore, « tu es belle », en poussant de grands soupirs, « ta peau est douce », avec un regard ébloui, il insiste pour la déshabiller entièrement, il la couche sur une table, défait ses bas en tirant sur le bout des orteils, il utilise si bien sa langue entre ses cuisses qu’elle sent qu’elle va jouir, ensuite il se relève. Ses yeux brillent. 

Il retire ses vêtements devant elle en la regardant, c’est un beau brun, maigre comme elle aime, bien dessiné comme elle aime, avec des bras musclés des pectoraux une peau bronzée un beau teint une belle peau, il a un sexe bien plus gros que la moyenne. 

Au moment où il la pénètre il la regarde droit dans les yeux, son ventre à elle se liquéfie, elle sent l’odeur de la térébenthine et un peu de sa transpiration à lui. Elle est comme sur une mer, bercée par la houle de ses va-et-vient, qu’il doit contrôler, dit-il, tellement il a envie d’elle, et ces arrêts sont des instantanés de plaisir, elle sent l’empreinte de ce sexe étranger qui se meut dans son ventre, les hommes ne savent pas ce que ça fait que de se sentir comme cela, écartelée, ouverte, offerte, investie par corps étranger qui conquiert, qui habite son intérieur, elle en est soudain follement amoureuse, profondément amoureuse, les mots « je t’aime » elle ne les prononce pas mais elle les entend dans sa tête, et quand il jouit en elle, cela la rend tellement fière, tellement heureuse, peut-être qu’il y a à ce moment de don une qualité maternelle qui se réveille en toute les femmes, l’envie de bercer cette tête moite qui s’abandonne, qui lâche prise. 

Ils discutent un peu en buvant du thé, alors que par les grandes baies vitrées on voit la nuit et ses étoiles, et puis il lui montre ses tableaux alors qu’elle a enfilé un peignoir qu’il a pour ses modèles. Il fume beaucoup, elle lui pique une cigarette qu’il roule pour elle, il y a de l’herbe dedans et elle tousse. Tout devient flou et les yeux d’Angelo sont troubles, il vient tout contre elle en riant de la voir tousser, il lui dit qu’il a encore envie d’elle, et elle répond qu’elle aussi a encore envie de lui, prise dans une sorte de malaise éblouissant. Il lui prend la main et ils vont dans le coin où se trouve un matelas par terre, caché derrière un paravent à motifs dorés et grenat ; c’est là qu’il dort, dit-il, il a un peu honte de la mettre sur ce grabat, mais elle dit que ce n’est pas très grave en pensant à L’Œuvre de Zola. 

Dans ce roman, l’héroïne pleine de pudeur n’avait pas trop apprécié de se coucher dans le lit que le peintre avait poliment laissé à son invitée, alors que Paula, elle, sans faire attention aux draps chiffonnés, s’allonge en titubant, se laissant aller aux nouvelles caresses, plus sauvages, d’Angelo. Le peintre du roman ose à peine jeter un œil au jupon que la jeune femme a mis à pendre pour qu’il sèche, tandis qu’Angelo retourne Paula et elle accepte de se faire prendre en levrette, complètement perdue dans des impressions vaseuses, son corps esclave du plaisir. Elle se souvient que le peintre, dans le roman, dessine la jeune femme alors qu’elle est endormie et nue, le bras passé sous sa tête comme elle, Paula, qui a le bras passé sous la tête pour ne pas être complètement écrasée par le poids du corps qui se démène au-dessus d’elle. 

Elle entend en elle une petite voix qui lui dit tant que l’esprit est pur le corps peut être impur. Le sexe c’est comme se travestir en monstre, l’esprit est pur mais le corps est impur, elle se dit des mots crus pour s’emballer, v...