Ils étaient sept ou huit attablés près du comptoir où je séchais ma bière et mes chagrins intimes. Je les écoutais distraitement causer de l’événement du jour : l’incarcération de Nicolas Sarkozy. Il ne fallait pas être finaud pour les classer sur l’échiquier politique. La gauche étant en puissance dans les universités, ils s’étaient payés un peu d’originalité en étant de droite ; en somme, ils étaient là où on les avait placés. Une blonde aux cheveux filasses a commencé à se lamenter sur la République des juges tandis que son homologue en casquette ne jurait que par une grâce présidentielle. Après tout, LR avait bien aidé Macron. J’ai commandé une nouvelle bière. La musique était agréable (si seulement ils avaient pu se taire…) et la bière honnête. Ç’aurait pu être une bonne soirée. Moi, je pensais à Sarko qui devait maudire le cadavre de Chirac pour ne pas avoir subi la prison, ça m’a fait marrer ; je commençais à être bourré. La table continuait à débiter des âneries et à enfoncer des portes ouvertes à la voiture-bélier.
— De toute façon, la prison, c’est le club Med, mais bon…
— Quand on voit tous ces jeunes qui sont relâchés alors que…
— On voit que Carla l’aime quand même…
— Il faudrait faire une grosse manif…
— C’est pas de gauche, les manifs ? j’ai répondu.
Ils m’ont ignoré et commandé une nouvelle tournée. Chacun a payé son verre. Je commençais à avoir envie de vomir et la bière n’y était pour rien.
— Je me demande ce qu’il va faire de ses journées…
— Ses avocats sont bons, ils vont le sortir de là…
— Vaut mieux être une racaille dans ce pays…
— Ils vont vous en débarrasser, j’ai répondu.
Ils m’ont ignoré et j’ai commandé une nouvelle bière. Bientôt, j’ai commencé à chanter Les portes du pénitencier. Le patron, d’un regard, m’a dit de la boucler. Mais j’ai compris que ça l’amusait un peu, aussi je me suis contenté de la chantonner. Un des mecs est venu me demander si j’avais un problème. Je lui ai rétorqué que mon espace vital était vachement pollué. J’ai joué le gauchiste à dix sous. Je n’en sais rien, moi, si Sarko doit être en prison ou non, mais il ne me viendrait pas à l’idée de me lancer dans le domaine des idées. Ils échangeaient du vide. Ils étaient comme ces enfants qui soufflent dans un bâton pour en faire sortir des bulles de savon.
La soirée a suivi son cours, j’ai suivi vaguement un match de foot à la télé, en jetant une oreille parfois à la table sarkozyste, et je suis allé vomir. Il allait bientôt falloir que je diminue le rythme. Ils m’ont...








