Un métro bondé, une tension qui grimpe, des regards qui fuient. Puis une phrase, un coup de trop. Qui va réagir ? Qui va se taire ? Le monde est-il rempli de lâches qui regardent ailleurs ? Un texte haletant et juste de Victoria Gautier.
Le métro arrive sur le quai. La lumière de ma rame est tamisée. Ambiance nocturne.
Trop de voyageurs déjà : je peine à trouver une place moulée sur mesure.
Les portes se referment. Des mains chaudes glissent sur la mienne. La barre en métal est froide.
Respire.
Respire.
Elle me fait signe qu’il y a de la place et de l’air, là, tout près d’elle, dans le creux entre le strapontin relevé et la porte. Je m’y blottis.
Elle porte un trench, des talons à la mode et un sourire à peine dessiné sur ses lèvres rouges. D’un regard, nous partageons notre détresse matinale de banlieusardes. Le métro n’a pas un train à prendre, lui. Il renâcle avant l’embranchement, clignote au moment de reprendre ses forces et repartir. Vieil attelage. Dans la pénombre, les écrans éclairent les visages éteints. On espère éviter le malaise voyageur. Ou pire, un suicide sur les rails…
Je transpire dans ma doudoune. Une goutte jusque dans mon dos s’écoule. Mon écharpe en laine rappeuse m’étrangle. Elle m’aide à l’ôter en jouant des coudes. Je sens ses ongles vernis d’un bleu électrique frôler ma nuque. Amandes acérées et félines. Notre voisin est surpris qu’on l’empêche de lire. Elle grogne plus fort que lui, d’un coup de cils déployés.
Je n’aime pas le métro : il y a ce bruit assourdissant, combattu par les écouteurs qui crient encore plus fort, un cocktail d’odeurs parfois indéfinissables, parfois trop familières. Et puis il y a les gens, vu sous leur jour le plus honnête : gueules de bois, traces d’oreillers ou de dentifrice, sueur, morve, du vomi mélangé à la bière qui a coulé tout le long du wagon la veille.
Il y a ceux qui mangen...