Une plage en pleine nuit, une famille, et soudain tout bascule. Entre cauchemar éveillé et réalité incertaine, un homme lutte pour saisir ce qui lui échappe : la peur, le temps, et le sens de ce sable devenu noir. Avec un sens aigu du trouble et du vertige, Xavier Cerf nous plonge dans un récit hypnotique où rêve et réalité se confondent dangereusement. 

Je me suis réveillé, seul dans le noir, abandonné de tous. Manque d’air. Le sable était chaud, très chaud, partiellement caressé par le clair de lune. Il y a quelques minutes de cela, peut-être quelques heures, ma femme était assise, près de moi. Elle était allongée sur le sol mouvant, prête à rêvasser. Plus loin, mes deux filles avaient les pieds dans l’océan. Elles riaient franchement, à gorges déployées, candides, insouciantes, comme seuls les enfants peuvent l’être. Du coin de l’œil, le visage légèrement penché sur le côté, rôtie par le soleil, ma femme, qui ne trouvait pas le sommeil, partageait ce court instant de bonheur et souriait discrètement. C’était une mère aimante et bienveillante qui ne haussait jamais le ton. Une femme singulière. La sueur colonisait nos corps ; la chaleur réfrénait chacun de nos gestes, chacun de nos mouvements. 

Affalé sur le sable, je décompressais enfin, sans peur du lendemain. Je ne réfléchissais plus à la vie quotidienne, la vie des concessions et des affaires qui, de plus en plus, m’insupportait. J’arrivais enfin à faire le vide. Derrière moi, ces longues heures passées dans l’uniforme du parfait robot, un robot gominé, costume trois pièces. Je me suis allongé. Et, très vite, je me suis endormi, lourdement. 

Je n’aurais pas dû fermer les yeux. J’aurais dû résister, courir, nager, sauter dans les vagues géantes qui malmenaient la mer. Le sommeil avait tout devancé. Réveil brutal, comme un fossé qui s’ouvre sous vos pieds. Le sable était noir, de plus en plus chaud. Une peur atroce. Cette fois, le clair de lune animait les vagues qui se retiraient des rochers. Il magnifiait l’écume constellée qui transperçait le ciel. Dans le noir, la lumière blanche imprégnait la surface de l’eau redevenue calme. Seul. Perdu, déboussolé, sans aucune idée de l’heure, je me concentrais sur ces récurrences naturelles pour combattre la nervosité. J’étais plus surpris qu’autre chose et priais maladroitement. Trouver une porte de sortie à cette situation confuse. C’était sûr, j’allai me réveiller, et je verrais ma femme allongée près de moi, observer mes filles courir au bord de l’eau. Non. Le sable était désespérément noir, la mer aussi. Avais-je perdu la tête ? Reverrais-je la lumière du jo...