Ce matin, Emma, se réveille un peu plus tôt que d’habitude. Le bus est déjà là, vide, glacé. Léo, le chauffeur, l’attend, sourire étrange aux lèvres. En pyjama, pieds nus, elle hésite. Quelque chose cloche. Ce trajet n’a rien d’habituel. La route s’efface, les règles changent. Emma est-elle vraiment prête à monter ? Une fiction puissante et glaçante, composée comme un cauchemar par Sarah Ortolan.

Emma se réveille en entendant le bruit du bus, dehors.

Pschitt ! suivi du grincement métallique des portes qui s’ouvrent.

Déjà ?

Elle est dans son lit, en pyjama. 

Maman ne l’a pas réveillée.

Elle en tombe à moitié par terre, se jette sans réfléchir dans le couloir, puis sur l’allée bétonnée qui borde sa maison.

Le bus est bien là.

Il fait un froid glacial.

« Salut, Emma ! »

Léo, le conducteur, est debout sur le marchepied. Emma adore Léo, parce qu’il prend toujours sa défense quand la bande à Mathis, les grands de CM2 qui s’assoient derrière elle, essaient de tirer sur ses nattes ou émiettent des chips sur sa tête.

Léo lève le doigt, il les fixe dans le rétroviseur, et dit au micro : « Hé-oh ! On n’embête pas Princesse Emma ! »

Après, à l’école, ça arrive qu’ils recommencent. Mais pendant le trajet, au moins, personne n’ose moufter. 

Encore ensommeillée, Emma entortille une mèche de ses cheveux blonds. Elle est sur le point de se mettre à sucer son pouce, quand elle se reprend de justesse.

« En voiture, Simone ! » lance Léo, en s’accompagnant d’un geste du bras. 

Il dit toujours ça avant qu’elle monte.

« Mais, dit Emma, tu ne vois pas que je suis en pyjama ! Je ne peux pas aller à l’école, je vais me taper la honte… »

Le froid du béton lui mord les pieds comme si elle pataugeait dans une mare de piranhas.

Elle tourne un regard anxieux vers le fond du bus – là où se vautrent habituellement ses ennemis – et constate qu’il est vide.

Tout le bus est vide.

  « Ce n’est pas grave, ça ! J’ai plein de vêtements à l’intérieur du coffre, tu sais ! »

Emma écarquille les yeux.

« Ah bon ?

— Ben oui. Les filles oublient souvent leurs fringues ici. Des fois, il y a de beaux trucs, hein ! Tu sais quoi ? L’autre jour, j’ai récupéré un sweat avec une licorne à paillettes. Tiens, je pourrais te filer celui-là ! Tu serais la plus stylée de l’école, là-dedans ! »

Emma pouffe entre ses mains ...