Par cette série de reportages, François Beaune renoue avec l’exploration traditionnelle des confins du monde. Après Bastien au bout de la mer, François Beaune continue sa série de reportages avec Soran et son exploration européenne. Un texte sensible et touchant. 

Le Briançonnais n’a pas seulement cet air ensoleillé et cette eau pure en commun avec la Méditerranée, il a aussi l’Italie sur son flanc est, avec les cols de l’Échelle et de Montgenèvre, à respectivement 1762 et 1860 mètres d’altitude, qui à partir de l’automne 2016 redevinrent des voies de passage pour exilés du monde entier, comme ils l’avaient déjà été avant et après-guerre pour les Italiens du sud fuyant la misère.

Après avoir franchi les vagues par les côtes grecques ou italiennes, les exilés d’aujourd’hui, venus de bien plus loin, poursuivent leur route à flancs de montagne, parfois en plein hiver, à la merci de gendarmes français déployés en nombre, manquant non plus de se noyer mais de perdre un doigt, un pied, ou même de geler tout entier sur place, égarés à jamais entre deux mélèzes.

Quelques jours après ma rencontre avec Bastien, précisément le 11 janvier 2023, je me rends au Refuge solidaire où chacun peut venir se reposer une nuit ou deux avant de reprendre la route. On m’invite à déjeuner et le Hasard, toujours bon compagnon, m’assied à table à côté de Soran et d’un ami à lui. Nous entamons en anglais une discussion sur ce qui nous amène tous là à Briançon, moi pour écrire, lui en transit, pressé de réserver son prochain train sur SNCF Connect.

Il me raconte qu’il y a un mois, avec d’autres jeunes, il est sorti manifester contre le port du voile et le régime iranien qui les opprime. Suite à ça, un de ses voisins l’a dénoncé à la police, qui l’a appelé chez lui et lui a ordonné de se rendre au commi...