Un cercueil, des roses, et des silences qui pèsent autant que les larmes retenues. Entre éclats de rire étouffés et souvenirs mêlés de douleur, le récit d’un adieu où tout se brise : le père, la famille, et l’idée même de ce qu’on croyait éternel. Un texte cru et vibrant de Victoria Gautier, où la mort paraît aussi absurde qu’inéluctable.
Tu es dans le cercueil et tu ne respires plus.
Te voir allongé la poitrine immobile m’impose une prise de conscience impossible à dire. Rien dans mon vocabulaire d’enfant ne m’a préparée à ta mort.
Il est où, Maman ? Quoi ma chérie ? Le sang, il est où ?
Je sens le mien couler du cœur aux tempes, basses non maîtrisées, pluie de plomb, le frisson jusqu’aux ongles.
L’audience a les yeux aussi fermés que toi, impassible. Ton corps est si blême qu’on croirait que tu as mué, si blême que je regrette les bleus, les coups de soleil, ta barbe mal rasée, ta peau meurtrie sur la route.
Tu portes le costume préféré de Maman, le bleu avec la cravate beige. Elle t’aura donc préparé tes tenues tous les jours, jusqu’au bout.
Pleure pas, putain.
On me serre de tous les côtés. Les mains sont chaudes, noueuses. Ma peau nue est sensible aux accolades des inconnus qui s’éternisent.
On referme la pièce. On verrouille la porte. Tu es scellé.
Dans le crématorium, la semelle de nos chaussures couine. Avec ma sœur, on a envie d’éclater de rire et de pleurs à la fois.
Tes musiques préférées défilent, détruites à jamais dans ma mémoire. Bob Marley. One Love. The Clash. Should I Stay or Should I Go.
Et je reste plantée là. C’est vraiment toi, là, dedans ? Le père qui me forçait à lire l’énoncé de maths ? Ces équations dont je n’ai jamais eu besoin ? Le pharmacien qui refusait qu’on bouffe des médicaments ? Une carcasse, un pantin de chairs avariées qui ont fait leur temps. Je ne peux pas croire que c’est toi.
Chaleur des larmes
De travers
Remontées jusqu’aux
Poumons qui crachent sous pression.
Cette nuit-là, je me souviens d’une chaleur brouillant mes sens. Sur ma peau, la sueur qui perle. Du bruit partout, la tempête. Je suis sortie en pyjama. J’avais froid mais j’attendais que tu rentres sous cette pluie battante.
À vélo, sur la route inondée.
Cette nuit-là, je me souviens de la voiture qui ne s’e...