Réparer les vivants (c) Aglaé Bory
Réparer les vivants (c) Aglaé Bory

Emmanuel Noblet inaugure la nouvelle saison du Théâtre du Rond-Point avec une adaptation du roman de Maylis de Kerangal, Réparer les vivants. Et c’est à couper le souffle.

x510_sc_affiche_inside_full_content_pm_v8-jpg-pagespeed-ic-ljsdgwticz
« Enterrer les morts, réparer les vivants », on trouve cette magnifique phrase dans Platonov de Tchékhov. Maylis de Kérangal s’en est servi pour intituler Réparer les vivants, un roman bouleversant, à la langue aussi rythmée qu’éblouissante, paru en 2014 aux éditions Verticales. Il a été récompensé par de nombreux prix littéraires et adapté, cette année, pour la scène et le cinéma.

L’entreprise d’Emmanuel Noblet, à l’initiative de l’interprétation théâtrale, était donc périlleuse. Comment faire entendre et voir une écriture aussi puissante sans décevoir les lecteurs du roman ? Comment représenter l’histoire d’un cœur, un cœur de dix-neuf ans, celui de Simon Limbres ? Réparer les vivants est, en effet, le récit d’une transplantation cardiaque. Simon est un jeune garçon, à peine sorti de l’adolescence. Un cœur empli de vie. Un jour, alors qu’il rentre de la plage avec des amis, il est victime d’un grave accident de voiture. À l’hôpital, on diagnostique une mort cérébrale. Au sommet de la douleur, la question du don d’organes se pose et ses parents, bien qu’accablés et envahis par le doute, acceptent. Et, c’est ainsi, que l’on suit la greffe du cœur de Simon « dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons [gagnant] d’autres provinces », filant vers d’autres corps.

Décor épuré

Emmanuel Noblet choisit d’épurer le décor – deux chaises, un drap – et les accessoires. Davantage qu’incarner les différents protagonistes (médecins, parents, amis), il les « silhouette », sans forcer le trait. La subtilité du jeu permet ainsi d’accorder toute son attention au brillant texte de Maylis de Kerangal, énoncé avec une parfaite justesse de ton. Jeux de lumière, voix-off, projection vidéo sont autant d’effets scéniques qui contribuent à traduire le style de Réparer les vivants, fait d’accélérations et de pauses méditatives, d’images et de silence. Un spectacle qui sert avec brio la littérature mais qui replace aussi le cœur, autrement que dans sa fonction organique, comme l’éternel symbole de l’amour.

L’histoire de Simon Limbres, parce qu’elle est à la fois intime et collective, touche, unit, rassemble. L’adaptation qu’en fait Emmanuel Noblet (et qui avait déjà su conquérir le public du festival d’Avignon) permet de prendre conscience de ce double aspect en éveillant toutes les émotions de la vie. Un moment de théâtre incandescent.

  • Réparer les vivants, d’après le roman de Maylis de Kerangal, adaptation, mise en scène et interprétation d’Emmanuel Noblet, au Théâtre du Rond-Point, jusqu’au 9 octobre 2016