Les poèmes d’Alejandra Pizarnik (1936-1960) sont autant de fragments d’une vaste pièce brodée, à la croisée du vers libre et du journal de confessions. Tapisserie inaugurée par ses premiers écrits de jeunesse, et ne s’achevant qu’avec le suicide de la poétesse argentine, au terme d’une existence tourmentée dont les mots gardent l’empreinte. 

En 1955, âgée de 19 ans, Alejandra Pizarnik fait publier son premier recueil poétique, La Terre la plus étrangère qu’elle reniera par la suite, le considérant comme un écrit de jeunesse extérieur à son œuvre. Viennent ensuite en 1956 et en 1958 ses recueils La Dernière innocence et Les Aventures perdues, qu’elle inscrit au sein de sa bibliographie et assume comme étant ses premiers écrits de poétesse parvenue à nommer ce qu’elle poursuivait jusqu’à lors. Vingt ans donc, et une entrée bouleversante dans le monde des poètes. Son poème « Salut »peut à ce titre être interprété comme étant un manifeste littéraire, une entrée dans le monde de la poésie qu’affirment les mots suivants :

« À présent / la jeune fille trouve le masque de l’infini / et brise le mur de la poésie. »

Ce monde de la poésie, c’est celui dont elle s’imprègne toute sa vie durant, attachée durablement à ces figures de poètes autrefois dits « maudits », parmi lesquels, Nerval, Trakl, Rimbaud, tous « oiseaux prophètes » parcourant son œuvre poétique de 1955 à sa mort en 1960. Pizarnik a essentiellement recours au vers libre, de forme très brève, d’une haute exigence cependant. Ses poèmes sont autant de tentatives de donner corps, à travers de véritables concentrés de mots et d’existence, à diverses images et états d’âme dont la jeune poétesse est traversée. Ce concentré d’existence se traduit aussi bien par un puissant désir de connaître la vie, de la côtoyer au plus près : « Vie / je suis là », « À présent chercher la vie » que par une douloureuse expérience répétée de la « vie qui fait si mal ». Poétesse « sans lendemain », elle s’adonne à son art poétique comme ultime manière de pointer du doigt ce qui sourd en elle, ce qui irrigue ses veines, ses os, sa peau, la laissant mains ouvertes, affaiblie, inquiétée. Ce sont de véritables ordres que se donne à elle-même la jeune femme, refusant l’abdication au nom de quelques nuits trop obscures. À présent, ce qu’il faut faire c’est vivre, vivre, vivre :

« Cette lugubre de vivre / cette secrète extravagance de ...