Le Champs-Élysées Film Festival s’est tenu à Paris du 20 au 27 juin 2023 dans les cinémas de l’avenue parisienne. Zone Critique revient sur ses impressions de ce festival consacré au cinéma indépendant français et américain.

Le Champs-Élysées Film Festival accueille le cinéma indépendant dans toute sa diversité, et cela s’est bien ressenti cette année : cinéma d’auteur, films de genre, documentaires et films d’animation se sont partagés l’affiche de cette 12e édition. En l’absence de tout sujet imposé, un certain air du temps s’est assez nettement affirmé dans les thèmes traités par les films : enfermement, besoin de trouver refuge, angoisse du monde extérieur… Les suites de l’épidémie de Covid se lisent nettement dans ces œuvres dont la genèse ou la production ne remonte guère au-delà des années 2020.

Un certain air du temps s’est assez nettement affirmé dans les thèmes traités par les films

Dans Vincent doit mourir, lauréat du prix du public en compétition française, Stéphan Castang imagine une mystérieuse épidémie. Vincent (Karim Leklou), parisien tout à fait ordinaire, est victime coup sur coup d’une série d’agressions inexplicables que sa seule présence semble provoquer. Obligé de fuir, il se réfugie dans sa maison d’enfance à la campagne, où il tente de survivre à ce bizarre syndrome du bouc-émissaire. Il y rencontrera Margaux (Vimala Pons), serveuse paumée qui tente aussi à sa façon de trouver sa place dans les marges de la société. Faux film de zombie et vrai film de genre(s), Vincent doit mourir est aussi une comédie sournoisement hilarante sur les paniques, réelles ou imaginaires, de notre époque.

Dans une veine nettement plus intimiste, Il pleut dans la maison de Paloma Sermon-Daï trace le portrait entre réalité et fiction de deux adolescents belges de milieu populaire. Makenzy (Makenzy Lombet) et sa sœur Purdey (Purdey Lombet) vivent quasi livrés à eux-mêmes dans la maison de leur mère, absente et alcoolique. Le petit frère traficote, vole des vélos, traîne avec un unique pote aussi largué que lui. La grande sœur tente de s’en sortir en faisant des ménages, entichée d’un jeune homme doué à l’école qui lui fait sentir son propre déclassement. Autour d’une minuscule base de loisir, au long d’un été lourd et oisif, la vie des deux jeunes à la dérive se déploie paresseusement dans un mélange trouble de paresse et d’urgence.

Le festival accueillait pour la première fois cette année une compétition de moyen métrages. La sélection était plutôt décevante. Après le gnangnan Mimi de Douarnenez de Sébastien Betbeder, lettre d’amour tiédasse aux cinémas de quartier, Tornades d’Annabelle Amoros ne proposait guère qu’une version grand format et immersive des innombrables documentaires de Discovery Chanel sur les chasseurs d’orage. Parfois les belles images ne suffisent pas. Les Chenilles de Michelle et Noel Keserwany avait aussi misé sur les belles images, en alternant les plans sur les chenilles tisseuses de soie, évocatrices du Liban fantasmé, et les vues de belles sculptures des musées de Lyon. Reste que le propos, convenu et passablement narcissique, ne parvient guère à faire décoller cet embrouillamini artsy. Rue Philippe Ferrières de Maxence Stamatiadis remporte cependant la palme de l’accablement. Revenant sur un fait-divers, la mort par asphyxie d’un héros local étranglé par un policier en 2019, le film choisit de remplacer tous les témoins interviewés par des avatars de jeux vidéo qui flottent sur les décors réels. Le malaise abyssal du dispositif, visuellement hideux, n’a d’égal que l’ambiguïté du propos, éloge sans recul d’un héros pour le moins équivoque, mort alors qu’il tentait de s’introduire une énième fois par effraction chez son ex-compagne.