« Au cœur de l’intime, ce sont encore des rapports de genre qui ordonnent les désirs et les plaisirs. » Cécile Thomé est sociologue, chargée de recherche au CNRS et spécialiste des questions liées à la santé, au genre et à la sexualité. Elle a notamment travaillé sur le désir au sein des couples hétérosexuels. Dans son dernier ouvrage, Des corps disponibles, elle part d’un objet d’étude original, la contraception, pour nous proposer une sociologie de la sexualité, dans une société régie par l’hétéronormativité.

L’autrice revisite l’histoire de la contraception des années 1960 à nos jours. En réunissant des années de recherche socio-historique, archives, données scientifiques et entretiens, Cécile Thomé pose un constat sans équivoque : la responsabilité de la contraception continue d’échoir aux femmes. 

À l’heure où les effets secondaires des contraceptions hormonales sont de plus en plus mis en évidence, il est fondamental de se pencher sur l’histoire sociale de la contraception, de sa légitimation, et dans le même temps celle de la sexualité hétérosexuelle, elle-même façonnée par les représentations d’un système patriarcal.

Contraception et sexualité relèvent de l’intime. Or, le privé, le chez-soi, ne sont jamais des espaces échappant aux rapports sociaux. Plus encore, et de nombreuses féministes se sont attachées à le montrer : l’intime est éminemment politique. L’autrice s’appuie donc sur des témoignages et des entretiens pour questionner la façon dont les différentes méthodes contraceptives modifient et modèlent les récits de la sexualité hétérosexuelle. Dans quelle mesure a-t-elle représenté un instrument de libération ? Comment et par qui est-elle prise en charge ? Que nous dit la légitimation de certaines méthodes contraceptives de l’évolution des rapports de genre ? 

Contraception et sexualité relèvent de l’intime. Or, le privé, le chez-soi, ne sont jamais des espaces échappant aux rapports sociaux.

Pour répondre à ces questions, Cécile Thomé utilise la notion de « script sexuel » développée par les sociologues John Gagnon et William Simon, qui réinscrit la sexualité dans des structures sociales. Le « script » désigne donc à la fois la manière dont se déroulent les actes sexuels mais aussi leurs représentations. 

La contraception : une histoire contre les femmes

L’histoire de la contraception ne se résume pas à la loi Neuwirth de 1967 qui légalise la pilule en France. La perspective historique de l’ouvrage permet de l’envisager dans son acception large : pendant longtemps, avant d’être « un médicament à avaler », elle consistait en la maîtrise de certaines « techniques » barrières ou alternatives (« retrait », méthode « Ogino » de calcul du cycle, etc.). Ainsi, même si cela peut paraître étonnant, elle a aussi beaucoup été une affaire d’hommes. 

Les relations sexuelles étaient largement associées à la crainte d’une grossesse non désirée. Dans des entretiens datant des années 1970, les personnes interrogées mentionnent « la peur au ventre » qui les étreint et refrène leur désir. Avant la légalisation de ...