Cette série d’articles est née d’un désir d’aller à la rencontre d’auteurs et autrices plus ou moins célèbres (à savoir : Alejandra Pizarnik, Bernard-Marie Koltès, Nikos Kazantzakis et Alexandre Blok), de nationalités très différentes (une poétesse argentine, un dramaturge français, un romancier grec et un poète russe), et plus précisément à la rencontre de leurs premiers pas dans la littérature, dans le monde de l’écriture.
En effet, ce qui lie ces écrivains, c’est un besoin précoce, très tôt apparu, de s’emparer de l’écriture comme d’un moyen d’exister, de tenter de se comprendre, de mettre en lumière ce qui sourd au plus profond d’eux-mêmes. On peut aussi penser, bien évidemment, parmi les plus précoces de ces jeunes plumes, à Raymond Radiguet, Françoise Sagan ou encore Sabine Sicaud, mais il s’agit ici encore d’un autre univers, celui de l’enfance, de l’adolescence, et de la difficulté à s’en extraire, de la violence de la découverte du monde adulte.
Ce qui caractérise les quatre textes choisis, de genres très variés (poésie, prose, théâtre) c’est avant tout leur très grande force d’expression, quelquefois empreints des maladresses d’un esprit jeune et pas tout à fait mature. Leur expressivité débordante donc, qui, nécessairement, va de pair avec une certaine violence, un rapport très noir au monde, aux autres, une difficulté d’être, et un malaise vis-à-vis de l’existence. Mais cette noirceur témoigne aussi d’une grande sensibilité, infiniment touchante : celle de la lucidité terrible de la jeunesse.
Tout le monde ne commence pas à écrire à vingt ans. Certains de nos écrivains les plus célèbres ont même attendu la quarantaine pour mener à bien une œuvre littéraire longuement mûrie. Les quatre figures auxquelles je m’attache ici n’ont pas souhaité attendre. Ils ont tenté de se démener avec ce qu’ils portaient en eux, parfois lourdement, en écrivant, en faisant des mots un territoire nouveau, où l’exaltation pouvait librement côtoyer une vision pessimiste du monde, l’angoisse frayer avec un désir maladif, et l’amour de l’existence cohabiter avec leurs obsessions les plus intimes.
Vingt ans donc, et déjà l’écriture pour patrie.