Choqué par la violence des djihadistes qui ont envahi le Mali en 2012, effaré par les médias restés muets face à certains crimes, le réalisateur Abderrahmane Sissako a choisi de témoigner. Il livre un film fort, subtil et nécessaire.

Tombouctou. La « perle du désert » bordée par le fleuve Niger, dans la partie nord du Mali.

Tombouctou, cité mythique, refuge du savoir et de la tolérance.

Tombouctou, dont les ruelles ensablées ont été envahies par les tirs des armes des islamistes en 2012. Tombeaux détruits, mausolées démolis, manuscrits brûlés, habitants brutalisés.

A travers la « ville aux 333 saints », c’est toute la souffrance des peuples face aux crimes djihadistes qu’a voulu montrer Abderrahmane Sissako, réalisateur mauritanien. L’électrochoc a eu lieu le 22 juillet 2012. A Aguelhok, une petite ville du Mali, un couple est lapidé par les islamistes. Enterrés, seules leurs têtes dépassent du sol. Le crime des amants ? Avoir eu deux enfants sans être mariés devant Dieu. La vidéo est postée sur internet, mais les médias internationaux restent muets. Pour lui, c’est une preuve « que l’on devient indifférent à l’horreur ». Abderrahmane Sissako sait que sa caméra sera la meilleure réponse face aux armes. Il décide alors de faire un film pour « raconter un peu aux gens ce qui se passe là-bas ».

« Je ne peux pas dire que je ne savais pas »

« Ce que je veux, c’est témoigner en tant que cinéaste, explique le réalisateur. Je ne peux pas dire que je ne savais pas, et, puisque maintenant je le sais, je dois raconter dans l’espoir qu’aucun enfant ne puissent apprendre plus tard que leurs parents peuvent mourir parce qu’ils s’aiment. »

Sissako place son récit entre les maisons basses de Tombouctou où la loi islamique s’applique depuis l’arrivée d’hommes étrangers armés jusqu’aux dents. A travers un mégaphone, les règles sont rappelées jour après jour : les cigarettes et la musique sont interdites. En plus du voile, les femmes doivent porter des gants et des chaussettes ; les hommes, retrousser leur pantalon.

Face à ces règles rétrogrades et absurdes, certains habitants tentent de résister : « Si je porte des gants, comment servir le poisson ? s’insurge une vendeuse. Je ne vais pas toucher le poisson avec des gants ! Puisque vous coupez les mains, allez-y, coupez ...