À Montlieu-la-Garde, les Printemps sont Mille. Après une pièce consacrée au féminisme, une autre à l’écologie et une troisième à l’âgisme, la compagnie des Mille Printemps proposait la première édition de son festival des arts militants, les 10 et 11 juin 2023. Dans cette suite de spectacles, jeux et débats, concerts et exposition, l’engagement se comprend dans l’action collective, indissociable de la création artistique.

Trilogie Mégaphone

Il y a huit ans à présent que les Mille Printemps font du bruit. Ce mois de juin, cependant, a vu la naissance du festival « Le Bruit des Printemps », dans la commune de Montlieu-la-Garde, en Haute-Saintonge. Mené tambour et cœur battant, ce festival a jailli en étincelle de révolte et de joyeuse énergie. En tête de la programmation figurait la Trilogie Mégaphone, composée des trois spectacles créés par les Mille Printemps depuis 2015. Mon Olympe donne le coup d’envoi. Dans cette première fable militante, cinq étudiant.e.s se confrontent aux nombreux obstacles qui jalonnent leurs parcours de personnes sexisées et de féministes. Sous la plume de Gabrielle Chalmont-Cavache et Marie-Pierre Nalbandian, le débat, le témoignage et la fiction tissent savamment le texte d’une réflexion en mouvement, d’une pensée à saisir au vol – car elle nous ouvre bien des voies. Avec Yourte, le questionnement se tourne vers l’écologie. Un groupe de jeunes adultes s’efforce de réaliser son rêve d’enfance collectif : vivre en communauté dans une yourte, en dépit des tentations du capitalisme et des doutes profonds concernant l’avenir. Enfin, Biques (auquel Ariane Issartel avait consacré un article) dénonce l’âgisme, mettant en scène la rencontre des parcours et expériences appartenant aux résident.e.s, aux soignant.e.s et à leurs proches, dans un EHPAD menacé de délocalisation.

Créer en collectif

(c) H. Lafitte

Outre ces trois thèmes de questionnements politiques, un quatrième était représenté au festival : celui des identités de genre, avec les invisibilisations et discriminations qu’il implique. L’exposition Faire genre restituait ainsi le travail pédagogique de sensibilisation, d’information et de débat collectif mené par la compagnie avec des élèves de collège. Mêlant œuvres d’artistes, textes de témoignage et espace d’expression personnelle, cette expérience, installée dans un décor immersif, prouvait derechef que pour les Mille Printemps, la création ne se conçoit autrement que dans la transmission et le partage. Par ses interventions dans les établissements scolaires, mais aussi des EHPAD et des associations, la compagnie s’emploie à créer un espace de libre parole, de bienveillance et d’inclusion où la pratique théâtrale et le questionnement de notre monde vont de pair. Au festival, le spectacle Faire genre a ainsi couronné le travail mené dans plusieurs ateliers d’écriture et de jeu, proposés à des participant.e.s de tout âge. Ce thème était aussi au cœur du spectacle Jimmy et ses sœurs, destiné au jeune public, par La Compagnie de Louise. « Ces ateliers, cette expo, ces pièces, c’est de l’ordre de la santé publique », affirme Margaux, bénévole au « Bruit des Printemps » et comédienne dans Faire genre. « Tout le monde devrait avoir accès à des questionnements aussi importants. »

(c) H. Lafitte

Les Printemps à venir

Tout en couronnant un travail de plusieurs années, ces deux jours de festival ont surtout ouvert un espace de parole, de création et d’engagement collectif tel qu’il en existe peu encore. Féminisme, collapsologie, questions de genre, racisme, âgisme en furent les premiers thèmes ; ils sont amenés à se déployer encore dans de prochains spectacles et, surtout, au prochain rendez-vous du « Bruit des Printemps ». Oui, la colère gronde et oui, il est à l’ordre du jour de dénoncer ce qui est intolérable. Mais cette colère se manifeste en un printemps de théâtre et de musique auquel tous.te.s sont invité.e.s. Aussi son éclosion commence-t-elle seulement. La prochaine édition se fait déjà attendre et promet d’être plus fleurie, plus sonore, plus riche encore.

Crédit photo : (c) H. Lafitte