Après Fiévreuse plébéienne et Anthologie Douteuses (2010-2020, avec Marguerin Le Louvier), l’autrice et performeuse Gorge aka Elodie Petit publie, aux Éditions Trou Noir, son nouveau livre : Fatal*e ou l’impossible phantasme. Objet éditorial hybride et personnage éponyme de cette épopée littéraire à la recherche du sens, Fatal*eexpérimente une narration fragmentée et poétique, entravée d’érotisme et émancipée par un travail graphique, menée par la collective franco-belge Bye Bye Binary et l’artiste typographe Roxanne Maillet.

Porté par les voix mutantes de Fatal*e et de sa fidèle compagne animale Arthure Rimbaud, ce recueil liquide est bercé de larmes et de mouille. Ancrée dans son époque, la poésie se métamorphose au contact des rongeur·ses, du loyer à payer et des « boîtes de nuit pourries avec de la musique de merde ». Si Fatal*e devait raconter une histoire, ce serait celle d’une cassure. Face un langage bridé par des siècles de domination masculine et hétéronormative, l’autrice cherche à déserter les codes et les usages de la littérature traditionnelle. Pour corrompre le système, Fatal*e use du plagiat, réécrit le Horla de Maupassant, insère des morceaux de blog et des citations tronquées. En dix chapitres, Gorge devient ainsi l’organe d’un discours fracturé d’insolence, de tristesse acide et d’une désobéissance assumée, aux pouvoirs révolutionnaires et aphrodisiaques. 

“Dans sa quête de sens, Fatal*e ou l’impossible phantasme déploie une écriture organique et monstrueuse.”

Mauvais sang 

L’autrice prête sa voix à « cette génération niquée », à celles qui sont rendues muettes et à ceux que l’on refuse d’entendre. La poésie se métamorphose en théâtre, entre dialogues entrecroisés et monologues impossibles. Véritable comédie humaine en after, Fatal*e multiplie les personnages. Parmi nos névroses, on y croise le fantôme d’une femme de ménage, des Daïmônes ou encore le « plan Q potentielle de toute la commu, mi-bourgeoise mi-punk à chiennes ». Pour les abriter, Gorge façonne une langue post-binaire, qui n’a pas peur de l’emphase, du drama et de l’obscène. Comme les vers de l’ange de Charleville-Mézières, ses mots assument « tous les vices, colère, luxure – magnifique la luxure ; – surtout mensonge et paresse ». Des mots-crachats, des mots tendres et des mots-tabula-rasa. Fatal*e ravive ainsi le souvenir d’une langue adolescente, gonflée de colères et de désirs.

« Maintenant, el·le a pour toujours seize ans. / Son anni...