Ilaria ou la conquête de la désobéissance est le troisième roman en partie autobiographique de l’écrivaine et plasticienne Gabriella Zalapì, d’origine anglaise, italienne et suisse. Le personnage principal de ce court récit est une petite fille de huit ans, Ilaria, qui en est aussi la narratrice. À travers son regard lucide et sa voix timide d’enfant nous est livré un épisode douloureux de sa vie, directement inspiré de celle de l’autrice : l’enlèvement dont elle fut l’objet par son propre père, un jour de mai 1980. 

Gabriella Zalapì, Ilaria

Ilaria a huit ans au début de l’histoire. Elle attend Ana, sa sœur, devant l’école. La tête à l’envers, perchée sur une barre en métal, Ilaria se rêve en Nadia Comăneci, jeune prodige devenue icône de la gymnastique à la fin des années 1970. C’est par ce tableau typique de l’enfance, l’image d’une petite fille occupée à ses jeux, que Gabriella Zalapìouvre son dernier roman. La candeur de cette scène inaugurale sera brève, son calme, interrompu par une voix familière mais inattendue, celle de son père, Fulvio. Il vient la chercher : ils ont rendez-vous au restaurant, ils vont rejoindre sa mère et sa sœur. Bientôt, on comprend qu’il s’agit là d’un mensonge paternel, premier d’une longue liste, et que le déjeuner n’était qu’un prétexte qui conduira à l’enlèvement d’Ilaria par son père. L’enlèvement prend alors la forme d’un étrange road-trip à travers l’Italie, sans destination définie, sur les routes de Turin, Rome et Palerme.

L’enfance effacée

Le père est un personnage central du récit : omniprésent, nerveux et imprévisible, il occupe toute la place. Il assaille sa fille de questions (“t’es contente ?“), lui impose des réponses qu’il écoute à peine dans un monologue quasi-constant. Ilaria s’efface, mais elle observe son père, décrit ses gestes tendus et ses obsessions, lui qui s’arrête frénétiquement dans des cabines téléphoniques pour appeler la mère d’Ilaria. C’est d’elle qu’il veut se venger : ses télégrammes tranchants, égrenés dans le texte, en sont l’implacable indice (“Te communique déception de ta fille de ne pas te parler. STOP. Je refuse toute accusation d’enlèvement. STOP“). 

Les appels et télégrammes ne sont pas leur seul – faible – lien avec le monde. Dans l’habitacle de la voiture, espace central du roman, le poste de radio chante des musiques italiennes, et, plus douloureusement, fait aussi entendre la violence de l’actualité politique qui agite alors l’Italie des années 1980 – sorte d’écho à celle, intime, subie par Ilaria (“Une explosion ravage toute l’aile droite de la gare de Bologne. Cinquante-cinq morts et cent quatre-vingts blessés, dont plusieurs gravement atteints.“). Le texte alterne entre le récit à la première personne et ces passages proches de l’archive, télégr...