Inspiré par sa passion pour le cinéma et par le Nouveau roman (cher aux Éditions de Minuit), Jean Echenoz joue, dans Bristol, autant avec son lectorat qu’avec la littérature. Pareil à nul autre titre contemporain, ce livre finit tout de même par nous perdre dans une intrigue dont on peine à comprendre l’intérêt, malgré son audace et son humour. 

Avec son titre de ville portuaire anglaise ou d’hôtel de luxe parisien, Jean Echenoz nous embobine dès la couverture, puisque que Bristol n’est autre que le nom de famille d’un certain Robert, cinéaste et producteur d’un film indépendant, adapté d’un roman de la célèbre Marjorie des Marais. Une fois la confusion passée, le lecteur se retrouve dans un texte fantasque avec des personnages aux attributs physiques désopilants : « la nuque du chauffeur taciturne » ou encore « la grande chevelure neigeuse et le buste annapurnien », description inventive et plutôt unique dans le champ de la création contemporaine. 

La langue française est maniée avec l’habilité d’un artisan et le lecteur se retrouve pleinement impliqué dans le récit, à coup de « nous », « on », et autres formules du même acabit, utilisées tantôt par le narrateur, tantôt par l’écrivain lui-même. Si bien que l’on se demande qui du narrateur, de Jean Echenoz ou des deux nous raconte l’histoire. Ce procédé bien utilisé, offre même la liberté rare au public de décider de la destinée de certains personnages. 

Le lecteur suit donc le parcours de ce cinéaste, cherchant à réunir le budget et le casting nécessaires à la réalisation de son film, dont une bonne partie se passe en Afrique australe : « la production suggère qu’on procède en studio pour les scènes exotiques, plutôt qu’aller coûteusement tourner là-bas. Or ce n’est pas du goût de Bristol qui souhaite filmer de vraies savanes et de vrais éléphants, des girafes matérielles et de concrets hippopotames et qui doit donc, ce matin, forger un budget alternatif propre à convaincre les comptables ». 

Pied de nez au Nouveau roman, Jean Échenoz s’amuse avec une intrigue dont la résolution ne nous mène finalement nulle part.

Mélange des genres

Vaste programme, mais notre Robert Bristol est habile et le voilà au milieu de la sava...