En 2023, les éditions Bouquin ont sorti un roman inédit de l’auteur de La Côte sauvage, Les Enfants de septembre. Des feuillets récupérés deJean-René Huguenin sort un roman initiatique où de jeunes garçons tentent en vain d’échapper à leur époque et leur famille. Dans un style très Nouvelle Vague, nous suivons Philippe, Bertrand et Nicolas, sous trois saisons : Paris occupé, les vacances sur la côte en 1947 et enfin le temps où l’âge adulte se profile entre Paris et les rives de la Loire.
Il y eut cette comète littéraire que fut La côte sauvage puis la mort à 26 ans de l’écrivain plein de promesses. Jean-René Huguenin était jusqu’alors condamné à n’être l’auteur brillant que d’un seul roman. Bien sûr, il y eut des pages de journaux intimes, de correspondances qui furent publiées ensuite. Mais le trésor n’était pas épuisé. En 2015, la sœur de l’auteur confie des milliers de feuillets d’archives au département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France. Quelques mois de travail d’éditeur plus loin, nous avons un nouveau roman : Les enfants de septembre.
Les enfants de septembre nous offre de suivre trois jeunes garçons de l’enfance jusqu’aux portes de l’âge adulte. On les suit sous trois temps qui forment les trois parties du livres, presque disjointes, comme trois variations du même roman, trois éclairages comme des saisons de l’enfance qui disparait dans la chute vers l’âge adulte et ses désillusions. Il n’y a pas de continuum entre les trois saisons, on passe de Paris occupé par les Allemands aux vacances sur la côte en 1947, pour finir entre Paris et les rives de la Loire. Il est vrai que l’on passe de la jeunesse à la vieillesse sans s’en rendre compte, nos vies aussi font des sauts, on constate les ruptures a posteriori. C’est notre lecture qui opère le lien entre les trois moments de rédaction.
Enfant, Philippe exprime ce que beaucoup de petits garçons pensent : « Moi, je serai quelqu’un de grand un jour, tu verras ! » Et tout ce qui pouvait le faire rêver, espérer en un avenir d’aventures, de conquêtes, d’expansion de son être, se voit contrarié. D’abord, c’est l’inconnu, cette forêt interdite qu ’il traverse : « Il allait connaître ce que les grandes personnes appelaient l’horizon ! Il allait voir de près le bout du monde. » Mais il n’y a rien de particulier, c’est la déception, la première d’une série, le premier des renoncements. Puis, c’est l’armistice et tout le monde se réjouit chez lui. Pour Philippe, la capitulation, la fin de la guerre est vécue comme une trahison vis-à-vis de ses livres d’histoire auxquels il avait eu la naïveté de croire : « C’est fini (…) il n’y aura plus jamais de Français. » Il est dès lors le fils du collabo, le fils de celui qui plie le genou devant le SS, « Il marcha vers le monde des traitres. » Les deux autres figures du livre sont Nicolas, enfant juif dont les parents ont été déportés, boîtant depuis l’enfance à cause d’un accident, et Bertrand le bon camarade de Philippe dont le père chirurgien tente d’aider les Juifs.
Les grandes amitiés sont des tendresses de solitaires
Le temps de l’adolescence est aussi le temps du dialogue intérieur incessant, le temps où chacun nourrit une sorte de vengeance sur la vie, sur sa naissance. Nicolas rêve qu’« il cesserait d’être...