Hommages livre en ce début d’année un brillant roman polyphonique qui tente de reconstituer la figure d’un artiste énigmatique. Après avoir collaboré avec plusieurs plasticiens, dont Dominique Gonzalez-Foerster avec qui il forme le duo Exotourisme, le chanteur et musicien Julien Perez dépeint dans son premier roman tous les aspects et contradictions du monde de l’art.

« J’espère que celui qui tombera sur tes os saura se montrer indulgent. » Étonnante épitaphe pour un corps disparu, celui de Gobain Machín, perdu dans les montagnes sans laisser de traces et qui finit par être déclaré mort. Si d’aucuns pensent encore à une énième supercherie, à un happening, ses proches se retrouvent réunis dans un local de banlieue pour une curieuse cérémonie funèbre, sans corps. Il faut dire que Gobain Machín est un artiste, reconnu par son milieu et exposé dans les plus prestigieuses institutions. Ce rassemblement prend alors des allures d’installation d’art contemporain, dans ce lieu périphérique loué initialement par l’artiste pour créer sa nouvelle exposition et qui cache un troublant sous-sol. Ce rapport de présence / absence qui s’institue fait directement écho à une autre exposition de l’artiste au Palais de Tokyo où des œuvres n’étaient présentes que par leur évocation au travers de textes lus par des comédiens. Aux hommages rendus aux œuvres dans la précédente exposition se substituent ceux à l’artiste, à son tour absent donc. 

Le roman interroge la figure publique de l’artiste, celle que celui-ci peut se créer ou dont il peut aussi se retrouver affublé.

Portrait d’un artiste absent

Cet artiste fictif au nom si indistinct est ravivé par le défilé des mémoires et des paroles de ceux qui l’ont côtoyé : famille, amis, amantes, collaborateurs, curateurs, galeristes, collectionneurs… À travers cette succession de témoignages s’épanouit une diversité de langues et d’expressions : d’un critique d’art, ne fonctionnant que par associations d’idées (« le soir du vernissage, je me suis dit : manoir – écran – serpe »), au père de Gobain avec son discours riche en métaphores ; de la parole plus policée d’une mécène à celles d’autres proches, plus directes, familières, agacées ou provocantes. De cette curieuse polyphonie, s’élabore un passionnant portrait en mosaïque d’un artiste décrit tour...