Un an après avoir quitté l’Élysée, Dan Lehman n’est plus qu’un homme en ruines, perdu entre alcool, solitude et menaces judiciaires. Autour de lui, son ex-femme écrivaine, son épouse actrice au sommet déclinant, un jeune cinéaste en quête de légitimité : Karine Tuil orchestre une tragédie contemporaine où le pouvoir, l’amour, l’image et la littérature se livrent une guerre silencieuse. Fresque troublante, roman de la chute et des faux-semblants, La guerre par d’autres moyens ausculte les coulisses d’un monde où l’intime est lui aussi politique.

Au cœur du récit, Dan Lehman, ancien président de la République, figure déchue, alcoolique, hanté par des scandales judiciaires, essaie de recoller les morceaux d’une existence fracassée. Il est l’exemple même de la désillusion politique : celui qui fut un président atypique, premier Juif à accéder à la magistrature suprême, homme de terrain, de convictions, héritier contrarié d’un père fantasque, est désormais l’ombre d’un homme, exilé de la scène publique, rejeté par une société qui ne lui pardonne ni ses échecs ni ses faiblesses. Sa déchéance n’est pas seulement politique ; elle est aussi morale, existentielle.
À ses côtés, ou plutôt en parallèle de lui, Hilda Müller, actrice célèbre, épouse emblématique, incarne un autre type de pouvoir : celui du glamour, du désir. Mais elle aussi est en déclin, confrontée à l’impitoyable réalité du vieillissement dans un monde où les femmes doivent briller pour survivre. Le couple qu’elle formait avec Lehman n’est plus qu’un simulacre. Elle tourne le film À la recherche du désastre, réalisé par Romain Nizan, jeune cinéaste engagé, adaptation du roman de Marianne Bassani, ex-femme de Lehman, autrice discrète et tourmentée. Ainsi, Karine Tuil tisse un réseau de personnages liés par des passés communs, des rivalités latentes, des jeux de miroirs troublants où se reflètent les vérités jamais dites.
“Karine Tuil tisse un réseau de personnages liés par des passés communs, des rivalités latentes, des jeux de miroirs troublants.”
Pouvoir, couple et guerre des apparences
L’une des grandes forces de ce roman est sa construction chorale. Tuil donne la parole à chacun de ses protagonistes sans jamais les juger, leur permettant de livrer leurs vérités, leurs blessures, leurs contradictions. Ce procédé crée une densité psychologique rare, une impression de réel saisissante. On comprend les fragilités de Marianne, écrasée par la réussite des autres, doutant sans cesse de ...