FESTIVAL AMERICA 2024. Toute la semaine, Zone Critique couvre le festival America 2024 et vous donne accès au meilleur de la littérature américaine contemporaine.

Dans American Boys, traduit par Charles Bonnot, la diaspora iranienne est vue par trois garçons épris de liberté, de saveurs américaines et de terrains de basket, les coutumes des États-Unis et du pays des shahs entrant en résonance chapitre après chapitre.

Khashayar J. Khabushaniest né en 1992, en Californie, de parents iraniens. Quant à K., le narrateur de son premier roman, il a neuf ans en 1994. Il vit dans une barre d’immeuble à Los Angeles avec ses deux aînés et leurs parents. Comme ceux de l’auteur, ils viennent d’Iran. Des années plus tôt, leur Baba s’est installé aux États-Unis, a pris racine puis il est retourné à Ispahan trouver une épouse – c’est Maryam qu’il a élue à ce poste, la douce Maryam qui est aide-soignante et étudie pour gagner en responsabilités, la discrète Maryam qui achète des vélos à ses fils et tâche de palier aux pertes d’argent inconsidérées de son mari qui n’a plus de travail. Pourtant, elle s’émancipe timidement sur cette terre de liberté, petit pas par petit pas. Elle suit des cours à l’université où elle déjeune avec des hommes, où « elle ne porte pas son hijab et elle a les yeux maquillés » – son mari considère ainsi que ce pays l’a « pervertie ». Malgré tout, elle reste fidèle à son silence et « elle ne fait pas le moindre bruit », même quand elle souffre, même sur un manège qui va trop haut, trop fort pour son vertige, parce que « à la maison, à la mosquée et à l’école, il valait mieux ne rien dire. »

L’autorité des pères

. Les voix de ces adolescents permettent à l’auteur de porter un regard hybride et sans fard sur l’Iran

Khashayar J. Khabushaniraconte l’Amérique à hauteur d’enfant – les glaces, les frites trop rarement offertes parce que trop chères, trop grasses, les parties endiablées de basket, l’école, les copains et les premières amours. À cette vie si typiquement américaine, il mêle des repères iraniens, ce qui fait l’identité hybride de ses trois jeunes héros – l’odeur du thé le matin, les pickles de leur mère, le tapis persan du salon, les noix et les dattes, la mosquée. Il prend soin de souligner l’autoritarisme du père, ses caprices et la hiérarchie qu’il impose à la famille. Sa femme doit se soumettre, comme en Iran. Quant à ses fils, ils doivent souvent se taire ; si l’un parle au mauvais moment, les trois subiront son courroux. En dépit des valeurs qu’il prône, souvent paradoxales, il a un préféré, et c’est K. : il le répète à l’envi, jusqu’à ce que l’enfant ainsi que le lecteur comprennent exactement ce qu’il entend par-là, un soir, à Ispahan. Pour soustraire ses fils à l’influence néfaste du pays du rêve, leur Baba les entraîne en effet en Iran où l’émerveillement le dispute aux larmes, où l’odeur doucereuse des figues fraîches masque à peine les relents d’égouts des rues, où les glaces à la cardamone ont un goût trop artisanal pour les palais habitués aux Sundaes américains, où ils sont désœuvrés, jouent au foot avec une cannette, font éclater des pétards dans les salons et se languissent de leur vie là-bas. Les voix de ces adolescents permettent à l’auteur de porter un regard hybride et sans fard sur l’Iran dont il se souvient, lui qui a partagé son enfance entre Téhéran et Los Angeles, le pays des shahs détenant donc une part plus ind...