Jeff Koons a battu les records en devenant l’artiste vivant le plus cher au monde, mais il est aussi celui que tout le milieu artistique prend un malin plaisir à détester. Zone Critique s’est alors penché sur le phénomène à l’occasion de la retrospective que lui consacre le Centre Georges Pompidou.
C’est l’événement de cette fin d’année, Jeff Koons l’artiste le plus controversé de ce siècle est mis à l’honneur au Centre Georges Pompidou. Aucun musée français n’ayant les moyens de s’acheter une oeuvre de l’artiste milliardaire, c’est une des rares occasions de pouvoir les approcher. Faudrait-il encore qu’il y ait quelque chose de spectaculaire à voir.
Même si j’aime être à contre-courant, je n’arrive pas à trouver de point positif à un artiste communément haï. Ce n’est pas la scénographie de l’exposition, ni le cheminement, et la cohérence que je critiquerai, puisque sur ce point il n’y a rien à dire. La première étant épurée (heureusement sinon l’overdose de kitscherie m’aurait tout de suite donné mal à la tête) et la seconde s’est étendue dans un classique mais efficace plan chrono-thématique.
A la recherche de la démarche perdue
Jeff Koons est de temps à autre considéré comme le Warhol du XXIème siècle. A tort, rien ne sert de copier, il faut innover pour être un artiste méritant le succès. Ce qui était original et percutant chez Andy Warhol n’était pas seulement ses boîtes de soupe reproduites à l’infini, c’était le personnage, ses citations célèbres, les artistes de tous les milieux l’entourant, le foisonnement de production de tous les médias (magazine « Interview », intervention télévisuelle, contribution au groupe Velvet Underground, grandes fêtes à la Factory…). Il représentait et alimentait une scène New Yorkaise d’artistes talentueux. Alors que Jeff Koons sait s’entourer d’actrices X et de fortunés mais aveuglés « collectionneurs ». Je vous laisse faire la comparaison.
D’autres le rapprochent à Warhol car il reproduit les objets de consommation courante et rend compte de notre société. Une fois encore il ne faut pas exagérer la démarche de Koons: celui-ci se contente uniquement de prendre l’aspirateur et de le déposer sur des néons agressifs. Warhol à l’inverse ne prend pas l’objet directement, il le retravaille ou le duplique lui même.
Dans ce cas, vous pourriez me dire que Koons fait du “ready-made” ? Non seulement il n’a pas la même impertinence intelligente que Marcel Duchamp (exposé juste à côté et devant se retourner régulièrement dans sa tombe), mais il ne prend pas non plus des objets déjà utilisés ce qui l’écarte du mouvement surréaliste.
C’est dans cette ambiance que les commissaires ont tenté de donner un peu de contenu à l’oeuvre de Jeff, mais le subterfuge ne passe pas.
On dit que le vin se bonifie avec l’âge, il en va peut être de même avec les traders reconvertis
Le mauvais goût trouvé
S’il n’y avait que la démarche pauvre mais l’esthétique au rendez vous, j’aurai pu sortir à demi-satisfaite et ne pas être aussi incendiaire. Cependant le summum a été atteint : un temple du mauvais goût, de lumières et couleurs agressives se dresse devant nous dès l’entrée de l’exposition. Et ne se termine qu’à l’avant dernière salle, rendant compte de son ultime travail. Celui ci étant d’un peu meilleure facture (on dit que le vin bonifie avec l’âge, il en est peut être de même des traders reconvertis). Sa série de Gazing Ball, reproduction de sculptures classiques connaissant un grand succès auprès du public surmontées de balles bleues du même matériau que ses célèbres Balloon Dog a le mérite d’être esthétique et accompagnée d’un discours pouvant à moitié convaincre.
Une telle retrospective mettant en scène des oeuvres véhiculant l’esthétisme d’un nouveau riche aura peut être le mérite de faire réagir le public sur ce qu’est devenu le marché de l’art, au sein duquel des artistes comme Damien Hirst, autrefois adulé au même titre que Koons, perdent actuellement une côte injustement acquise. A qui le tour Jeff ?
- Rétrospective Jeff Koons au Centre Pompidou, 26 novembre 2014 – 27 avril 2015.
Cassandre Morelle