Dans son dernier livre, Le Météorologue, Olivier Rolin décrit la vie du directeur de la météo en URSS. Un honnête homme envoyé au goulag, parmi tant d’autres.
Il s’appelle Alexeï Féodossiévitch Vangengheim. Quelques années après la révolution bolchévique d’octobre 1917, ce jeune scientifique se voit propulsé à la tête du service de météorologie de l’URSS. Il est maître du temps et domine le ciel. Il retombera aussi vite à terre que les pseudo-cosmonautes qui participèrent aux premières aventures spatiales de l’URSS.
Construire le socialisme
Vangengheim n’a pas soif de pouvoir, il souhaite juste mettre ses connaissances au service de la construction du socialisme. Dans l’immensité du territoire russe, il déploie de multiples stations météo, très utiles pour la planification agricole. Son rêve, créer un réseau météorologique mondial, permettant de connaître le temps qu’il fera à n’importe quel endroit du globe. Une utopie qui verra le jour bien après sa mort. Il organise également des expéditions polaires pour dessiner la carte des côtes soviétiques.
Un jour de 1934, il est arrêté par la police politique, et quitte définitivement sa femme et sa fille. Vangengheim rejoint les camps des îles Solovki, tristement célèbres pour avoir accueilli une grande partie des prisonniers victimes de la terreur stalinienne.
Le texte d’Olivier Rolin s’appuie sur un important travail de recherches, menées à partir de la correspondance entre Vangengheim et sa fille, et avec des associations militant pour la mémoire des déportés de la période soviétique.
Ce récit, c’est l’histoire d’un espoir qui a fait rêver le monde entier durant des décennies, à commencer par la France : le communisme
Ce récit, c’est l’histoire d’un espoir qui a fait rêver le monde entier durant des décennies, à commencer par la France : le communisme. Cette idée d’un autre mode de vie offert aux populations que celui dominé par l’accumulation de richesses dans les mains de quelques uns, allait enfin se réaliser dans la révolution. Mais il n’en fût rien.
La paranoïa politique et la confiscation du pouvoir entraînèrent des années de terreur. Le météorologue, c’est un citoyen soviétique normal, emporté dans la vague de la Grande Terreur des années 1937-1938. « Pendant ces seize mois terribles, environ sept cent cinquante mille personnes seront fusillées (une moyenne de mille six cents exécutions par jour pendant les cinq derniers mois de 1937) .»
Ceci n’est pas un roman
Par la voix d’un narrateur transparent, Olivier Rolin, insiste: son texte n’est pas un roman. L’auteur a trop de respect envers l’histoire de cet homme, pour la transformer à des fins romanesques. Il n’a pas voulu faire dans le sociologisme et dessiner un caractère, bien représentatif de la société de l’époque. Il n’a pas souhaité en faire un héros, martyr de la folie de quelques gouvernants, reclus dans les hautes sphères du Parti.
L’auteur exprime même les doutes que provoque chez lui l’écriture biographique. « J’hésite à rapporter ce trait lamentable, (…) Je préférerais qu’il soit intraitable (…) je préférerais l’admirer, mais il n’est pas admirable ».
Cette fois-ci, renonçant au génie subtil du roman, Olivier Rolin a choisi la rigueur du récit historique en laissant transparaître sa démarche sincère. « Il me semble qu’il faut être méticuleux aussi, paperassier jusqu’à un certain point. Indiquer les dates, les grades, les signatures au bas des actes, quand on les connaît. Au prix d’une certaine lourdeur ».
Il est vrai que l’histoire de cet homme condamné au bagne paraît assez sèche et sans enjeu dramatique. Sa lecture n’est pas des plus agréables mais elle ouvre les yeux sur la réalité de la « prison spirituelle » et des massacres de la période soviétique.
- Le météorologue, Olivier Rolin, Seuil, 224 pages, 18.00 €, 11 septembre 2014.
Alexandre Poussart