Un roman ouvrier ? Sérieusement ? En 2025 ? Dans un monde où on vend des NFT de coucher de soleil et où les « gens de terrain » sont des consultants en tongs? Oui. Et c’est exactement pour ça qu’on lit Martin Thibault. Parce qu’il écrit sur ceux qu’on oublie dans les plateaux télé, dans les palmarès littéraires, dans les dîners où le mot « syndicat » fait grincer des dents. Il parle de la France qui se lève tôt et se couche rincée. Celle qui palpe des jeux à gratter plus souvent que ses rêves.

Treize manœuvres, un loto, cent mille euros chacun. Pas assez pour fuir, trop pour rester pareil. Pas de violons. Pas de misère grandiloquente. Juste des mains qui sentent la graisse et des idées un peu rouillées. On est loin de Zola, encore plus loin de la start-up nation. Ici, même les rêves sont syndiqués : partir en vacances, payer ses dettes, respirer un peu.
Il y a cette phrase de François Ruffin qu’on n’ose pas dire trop fort : « La France qui pue un peu sous les bras ». Elle est là, entre les lignes. Pas pour être moquée. Pas pour être réhabilitée. Juste pour être dite. Elle existe, elle a un badge magnétique, une hanche en vrac, un patron qui ne connaît pas son prénom, et elle garde la tête haute pendant que le reste du pays se penche pour mieux l’éviter.
“On rêvait de foutre en l’air le salariat, on réclame un distributeur de sandwichs.”
Le narrateur derrière lui, ancien gauchiste de fac, se réveille avec la gueule de bois plus souvent qu’avec des convictions intactes. Avant, il voulait renverser le monde. Aujourd’hui, il négocie des pauses plus longues. C’est triste ? Peut-être. C’est vrai ? Absolument. Et c’est cette honnêteté-là qui rend le livre indispensable. On y parle syndicalisme, mais sans majuscule. Comme un fardeau qu’on porte par habitude.
Quand la victoire arrive, elle ne ressemble à rien. Pas de fanfare, pas de discours. Juste...