Poétesse, scénariste et dramaturge ukrainienne née en 1985, Luba Yakymtchouk s’empare du langage poétique en tant que résistance contre la guerre qui se répand dans son pays depuis 2014.
Le poème et la guerre
Reprenant en épigraphe de son recueil Miam et la guerre, une citation extraite d’un poème d’Apollinaire : «il n’y a plus le temps pour commencer. Il faut aller à l’essentiel.», la jeune poétesse inscrit sa plume dans le sillage d’une poésie, certes de guerre, mais pacifiste. Une poésie résistante, frontale, sans ambiguïtés.
Grâce à la poésie, Luba Yakymtchouk donne à la guerre un visage nouveau : celui de ses hommes, de ses femmes, de ses enfants et de ses villes meurtries. Le visage de la Nation devient celui du Père parti au front, le drapeau disparaît pour laisser place aux êtres que la guerre met à mort :
« Avec des yeux d’un bleu marin / Et une chevelure d’un jaune de lin / Un peu délavée / Ce n’est pas un drapeau / Qui se tient dans la mine / L’eau jusqu’aux genoux – c’est / Mon papa »
La guerre donne un goût amer à la terre aimée, au pays de l’enfance. Les paysages, dans ces poèmes, sont réduits à néant. Tout gît, repose, attendant une reconstruction à venir. Même les villes ont perdu leur visage. La fable s’achève sur la violence surgit dans le quotidien.
« Et maintenant, quand tu manges des abricots / En leur cœur – c’est du charbon »
À la place des rêves, on regarde la télévision, diffusant les images incessantes des horreurs infligées au pays : « Dans la tasse de la pièce je mélange les nuits avec une aiguille de l’horloge ». L’interruption du cours des choses et de la vie quotidienne que l’on pensait être les seuls à ne jamais pouvoir être bousculés, enlèvent aux êtres jusqu’à la capacité de dormir, de respirer convenablement. Le courrier ne voyage plus, les voix sont réduites au silence.
La guerre n’est que décomposition
Là où les verrous sont démolis, l’intimité ne règne plus, l’espace domestique et intime est à la merci de tous, et jusque sous les portes entrouvertes s’immisce la guerre. À travers ces poèmes, Yakymtchouk évoque le thème de la communication rompue, des lignes téléphoniques mises sur écoute, du courrier qui ne circule plus, des lettres égarées.
« Les portes ne s’ouvrent pas / Elles sont toujours ouvertes »
Si le langage poétique permet un acte de résistance, il est aussi un moyen de réflexion sur cette question du langage, de la parole, de ce qui est fait de la communication en temps de guerre. Le fil du téléphone, c’est aussi, et avant tout, le fil qui relie ...