Malu, fille de berger âgée de douze ans, raconte.
Il y a le Bosquet, aux trois collines nommées la Pitchotte, le Tabanard et l’Estela.
Trois remparts contre l’extérieur, mais aussi trois bonnes fées veillant depuis toujours sur le berceau idyllique de l’enfant. Trou de verdure à la solitude inévitable.

Ça sent la terre, tantôt sèche et acide, tantôt humide et fraîche.
Ça sent le fer, le sang de la vie et celui de la mort.
Ça sent la sueur, le jour dans les champs, la nuit trempant les draps.

Une lecture dont on ne revient pas indemne, et dans laquelle il est pourtant si doux de plonger. Clarence Angles Sabin donne ici à voir la région aveyronnaise telle qu’elle l’a connue depuis l’enfance, à travers son expérience de fille d’agriculteur.

Un livre à trous

Le lecteur déambule dans cette histoire et comprend, au fil des pages, qu’il y a des trous à combler. Malu nous emmène avec elle dans cette quête.
Cette dernière mêle à la terre la détresse, la sueur et le sang. Elle creuse pour rendre justice à toutes les vies, y compris celles mortes avant de naître. Antigone moderne, diront certains ; mais Malu, elle, n’invoque ni divinités ni lois humaines. Elle ne se dresse contre aucune tyrannie, si ce n’est celle de la vie, qui s’acharne à révéler son envers : la mort.

Malu décide de creuser et de combler ces trous : ceux du cœur d’une vie dont elle voit les frontières se dessiner, mais aussi ces non-dits qui hantent le texte. Les personnages nient l’évidence d’un changement inéluctable, de peur de perdre ce qui les lie avec tant d’affection. Elle creuse la terre à mains nues et enterre tant de secrets qu’elle peine à remonter à la surface. Le cœur de Malu demeure ainsi incompris dans le monde laborieux des adultes, mais, grâce au Bosquet, elle découvre une présence et des réponses qu’elle finit par reconnaître comme siennes.

Ce n’est pas un roman policier, mais le récit d’une quête. Malu grandit — peut-être un peu trop vite — et elle cherche des réponses.

Quand l’enfance s’éloigne

C’est aussi l’histoire d’un modèle qui se fissure. Malu vacille lorsque sa grand-mère, seule figure maternelle en l’absence d’une mère, a la mémoire qui flanche. Cette matriarche, qui avait façonné la ferme et donné son éclat au lieu-dit, est une idole en déclin. Sa chute déséquilibre l’enfant, aux prises avec un profond vertige.

D’elle, Malu a reçu le goût pour la rudesse et la rigueur du travail agricole. Un goût si intense que, dès qu’elle en est séparée, elle est comme un aimant rappelé à sa terre.
Malu sent l’enfant en elle s’éloigner, car elle aimerait prendre soin des éléments qui ont toujours veillé sur elle, quitte à écourter ses nuits et retarder son sommeil. On voudrait tant entrer dans la page, préparer le petit-déjeuner, parcourir les collines à ses côtés et, rien qu’un instant, lui murmurer : « Tout ira bien. »
Mais le lecteur est condamné à être témoin du deuil de cette enfance qui paraissait si idyllique — n’est-ce pas le secret des parents sur la vie ? Tenter d’effacer les aspérités de la vraie vie ?

Avec sa chienne Sola, Malu aime...