Dans son dernier roman, Irene, publié aux éditions du sous-sol, Manuel Vilas narre l’histoire d’un deuil, celui d’Irene qui, après vingt ans d’amour passionné et fusionnel avec son mari Marcelo, dit Marce, doit apprendre à revivre sans lui, décédé d’une longue maladie. Irene prend alors une voiture de location et écume les hôtels de luxe de la côte méditerranéenne, d’Espagne en Italie. Elle tente de retrouver dans les bras d’amants et d’amantes de passage qui s’offrent à elle en sacrifice ou au gré de souvenirs de voyages les longues heures d’extase et de complicité vécues avec son mari qu’elle adorait.
Manuel Vilas fait un portrait pris sur le vif de la psyché d’une femme de cinquante ans qui décide de profiter pleinement de la vie à la recherche du bonheur perdu tout en s’enfermant dans une spirale de souvenirs qui ne peut que la pousser à fuir une cruelle réalité. Et si tout n’était qu’apparence et fantasme ?
Réflexion sur la vie, la mort, la passion, le temps qui passe mais aussi l’argent qui dénature tout, même l’authenticité des relations humaines, Irene est le récit intime et incandescent d’un amor brujo.
Votre dernier roman, Irene, est d’abord un récit sur le deuil, sur la perte de l’être aimé. Vous évoquez de grands thèmes éternels : l’amour, le temps qui passe et la mort qui met un terme à tout. Comment définiriez-vous cet ouvrage ? Un roman d’amour ? Un récit philosophique ? Un poème en prose ? Tout cela à la fois ?
Tout cela en même temps. Lorsque je vous entendais évoquer ces différentes interprétations, je pensais répondre qu’il s’agissait d’une histoire d’amour, presque philosophique. Mais c’est écrit dans un style où le rythme, la poésie, la pensée, la beauté de la langue importent beaucoup, donc je préfère dire qu’il s’agit d’un condensé, d’un mélange de tout ce que vous avez suggéré. Le roman n’a pas qu’une seule facette. S’il est présenté comme une histoire d ’amour, et c’est la façon dont le lecteur entre dans le roman et ce qu’il voit au début, les choses se compliquent ensuite et la structure du roman n’est plus aussi linéaire.
Ce n’est pas parce qu’on est un homme qu’on ne peut pas raconter ou créer un personnage féminin et vice versa.
Irene et Marce vivent un amour absolu, aussi intense chaque jour, et qui effraie leur entourage. L’amour isole : « Ils s’étaient isolés pour finir par se déconnecter de toute réalité » et il exclut : « La célébration grandiose du fascisme du cœur. » L’amour que vit ce couple semble plutôt tyrannique.
Une histoire d’amour est toujours le résultat d’un choix, discriminant par définition. D’un point de vue philosophique, cela signifie que l’on exclut l’ensemble de l’humanité pour ne choisir, parmi elle, qu’une seule personne. C’est l’amour tel qu’il se déploie dans un couple classique, l’amour canonique, tel que la civilisation occidentale l’a compris. C’est un amour qui exclut, pour ne garder que ce noyau de deux personnes qui vivent ensemble, qui comprennent le monde ensemble, qui partagent tout. On peut dire qu’il s’agit d’un acte de violence. Le « fascisme du cœur » est une violence à l’égard de tous les autres êtres humains. La plupart des crises de couple et des divorces sont motivés par le fait que, soudain, le choix initial n’a plus de sens devant la multitude de personnes qui se présentent à soi. Et, de fait, les divorcés reprennent contact automatiquement avec les exclus, ceux qui avaient été mis de côté dans un premier temps.
Après la mort de Marce, Irene cherche dans le plaisir une échappatoire à sa vie solitaire et vide, même triste. Peut-on dire qu’elle est davantage amoureuse de l’amour, qu’elle verrait comme un moyen de fuir la réalité, une sorte de drogue ?
Une drogue, oui. Une utopie, une illusion, un fantasme. Tous les êtres humains élaborent des fantasmes pour avoir la force de continuer à vivre, ou alors pour avoir l’illusion de réussir dans son travail, gagner de l’argent, obtenir un succès en politique… C’est quelque chose qui est nécessaire pour notre survie. Le roman explore cela : qu’est-ce que le succès dans une vie ? C’est la question qu’Irene se pose. Elle pense que sans amour, sans l’illusion d’un grand amour, il n’y aurait pas de vie réussie, elle ne signifierait rien. Mais le roman n’apporte pas vraiment de réponse au mystère de la condition humaine, qui pose de nombreuses questions non résolues. Je pense qu’un être humain a besoin d’aimer et d’être aimé pour que la vie ait un sens. S’il devient un être solitaire, il perd sa véritable raison de vivre, qui est d’aller vers les autres. Il est vrai que, de nos jours, les gens sont nombreux à vivre seuls et à renoncer au couple. C’est une nouvelle réalité sociologique. Il y a aussi des couples qui ne vivent pas ensemble, mais séparés, chacun chez soi. Irene entraperçoit ces nouveautés sociologiques sur l’amour, dont certaines naissent de la peur de la routine, de la vie en commun, qui fait que les couples se brisent, s’usent. Son utopie, son fantasme, c’est d’avoir vécu vingt ans d’amour prodigieux. Mais qu’en est-il vraiment ?
L’amour de soi est aussi très prégnant chez elle ; comme vous l’écrivez : « Nous n’aimons pas les morts mais nous-mêmes. De nos morts nous aimons la part de notre identité qu’ils contiennent. […] Elle s’aimait à travers Marce. » Il faut dire qu’il y a beaucoup d’égoïsme chez Irene, qui ne se soucie pas forcément des conventions sociales et qui utilise ses amants, voire les consomme.
Lorsqu’on aime quelqu’un, on s’aime soi-même à travers une autre personne. C’est là toute la complexité de l’amour. Si vous aimez vraiment, vous faites un sacrifice. Par exemple, lorsqu’Irene perd son mari, elle se pose la question de savoir qui elle aimait vraiment : son mari défunt ? La vie qu’elle menait avec lui ? Ou la partie d’elle-même que son mari a emportée dans la mort ? Aime-t-on vraiment l’autre ou croit-on l’aimer ? C’est la question que pose le roman. Les couples se séparent car ils pensaient aimer l’autre alors qu’ils réalisent soudain que ce n’était pas le cas.
La montrer avec tous ces défauts, était-ce pour l’ancrer dans la réalité après la parenthèse enchantée de l’amour ?
Bien sûr. Elle n’est pas une personne conventionnelle. C’est une femme très spéciale, avec des instincts érotiques et des pulsions de liberté particuliers. Elle peut parfois apparaître comme une femme immorale, ne recherchant que son propre plaisir et son propre désir, mais en cela, elle ressemble à des milliers et des milliers d’êtres humains.
La vieille tante de Marce, Alicia, le remarque tout de suite. Cela donne une profondeur psychologique au personnage, qui apparaît avec ses contradictions, son désespoir, sa peur de vieillir. Contrairement au personnage de Marce, plus lisse. Comment avez-vous pensé et construit ce personnage féminin ?
C’était un défi de me placer du point de vue d’une femme. Je crois que la littérature est un voyage aux frontières de l’imagination. Ce n’est pas parce qu’on est un homme qu’on ne peut pas raconter ou créer un personnage féminin et vice versa. Une femme peut créer un personnage masculin. La littérature n’a pas de frontières. On peut même penser à un personnage inanimé (une montagne, par exemple, ou un extraterrestre), la littérature est un royaume inépuisable de possibilités et de voix. J’ai donc choisi une femme, parce qu’à ce moment-là, je voulais raconter l’histoire d’une femme.
Que pensez-vous des sensitivity readers ?
Je ne connais pas bien cette nouvelle mode. Tout écrivain, lorsqu’il termine un roman, le fait lire à un ami ou à son éditeur. Ainsi, lorsque j’ai terminé Irene, des femmes l’ont lu, précisément pour voir si la sensibilité du personnage était bien celle d’une femme. Ce sont des vérifications qui me semblent normales. Comme je suis un homme, il aurait été a priori plus facile pour moi de faire de mon protagoniste un homme. Mais ce qui est formidable dans la littérature, c’est que l’on peut se travestir, se transformer ; si l’on est un homme, on peut se transformer en femme. Si vous êtes une femme, vous pouvez vous transformer en homme. C’est l’une des choses les plus merveilleuses que permet la littérature, cette liberté totale. Et je pense que c’est précisément pour cela que la littérature est toujours vivante, grâce à son inépuisable capacité à réinventer et à atteindre de nouvelles frontières de l’imagination.
Quand elle couche avec d’autres hommes, c’est pour revoir Marce en vision, qui apparaît en haut d’un escalier en flammes. Elle évoque « un rituel de transsubstantiation » et parle de Dieu en disant qu’il n’a jamais répondu à aucun humain, sauf à « nous, Marce et moi. » Il y a un côté mystique, rituel, dans l’amour d’Irene. D’après vous, en va-t-il ainsi de l’amour en général ?
C’est son expérience personnelle, la façon dont elle vit son deuil. Elle développe un fantasme, on pourrait dire qu’elle invente une liturgie religieuse. Elle ressent ce besoin de transcender l’amour humain, de le transformer en quelque chose de religieux, parce qu’alors il a plus de force et de pouvoir. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’avoir recours à ce procédé dans tous les cas de figure, à mon avis, mais pour elle, ça l’est. Même si elle ne croit pas en Dieu, ainsi que Marce et moi-même d’ailleurs. Je ne crois pas en Dieu pour une raison très simple : il n’existe pas. C’est une question à laquelle j’ai beaucoup réfléchi. J’ai été agnostique une grande partie de ma vie, mais maintenant je ne le suis plus. Il me semble qu’il est normal de ne pas croire en quelque chose qui n’existe pas.
Peut-on dire que le poème de Quevedo qui rythme le récit et revient régulièrement tout au long des pages tel un mantra est une sorte de prière à un dieu de l’amour ?
Le poème de Quevedo rappelle l’amour capable de vaincre la mort. C’est l’obsession d’Irene : mon mari est mort, mais il est toujours avec moi. C’est ce que nous faisons, nous êtres humains, par le biais de la mémoire. Mon mari est mort, mais je me souviens constamment de lui, il est donc toujours vivant en moi et mon amour est si intense qu’il le fait sortir du monde des morts et qu’il le ramène à la vie. C’est l’une des grandes utopies de la littérature, de la beauté, de la poésie et de la philosophie. Qu’on pense à Platon et à son idée de l’âme, si tant est qu’elle existe : elle est immortelle, et l’amour a été déposé en son sein, il est donc lui aussi immortel. C’est de l’idéalisme et c’est cela qu’elle construit. Le lecteur a le choix d’y croire ou non. Dans mes romans, je laisse une grande liberté au lecteur.
Irene est aussi éprise de liberté. Elle voyage en voiture d’Espagne en Italie, d’hôtel en hôtel : « J’aspire à voyager en permanence, ce qui diffère d’être en voyage. Je n’ai pas de maison, pas de foyer, pas de famille car c’était toi qui symbolisais tout cela. » Elle est donc sans attaches. Mais n’est-ce pas un leurre ? Car dans le même temps, elle admet qu’elle veut « changer le passé en désir. » Le désir étant par nature perpétuellement insatisfait, elle s’enferme dans une quête impossible, comme Don Quichotte.
C’est un road movie, un road novel. C’est à travers le voyage que nous voyons comment elle est réellement. Voyager, c’est prendre des décisions. Pendant que vous voyagez, vous accomplissez quelque chose. Et c’est pendant le voyage que la vie prend tout son sens ; quand vous vous arrêtez, vous devez faire un choix, prendre une direction. C’est comme si la vie demandait : « Maintenant que nous ne bougeons plus, que fait-on ? » Le voyage est une explication de la vie, comme l’a bien mis en évidence Don Quichotte. Ce dernier trouve un sens à sa vie parce qu’il voyage et qu’il accomplit une série de faits ou d’exploits. C’est une vie nomade, d’action qui n’a pas besoin de justification ou d’explication : je me rends quelque part, voilà le sens de ma vie.
Pendant que vous voyagez, vous accomplissez quelque chose. Et c’est pendant le voyage que la vie prend tout son sens
Irene s’enferme dans une sorte d’atavisme familial : elle évoque le mimétisme de Marce vis-à-vis de son père, éperdument amoureux de son épouse qui le laisse veuf, mais finalement, c’est elle qui reproduit le comportement de sa propre mère. La liberté serait encore une fois une prison ou une illusion.
C’est une sorte de répétition de ce qui a déjà été vécu. Je ne saurais pas dire pourquoi j’ai écrit cela. Il y a des choses qu’un romancier ne saurait pas expliquer. Il peut s’agir de l’imagination du personnage. Tout le roman est consacré à l’amour, à ce qui donne un sens à la vie. C’est la question constante. Nous n’avons pas inventé autre chose que l’amour pour nous épanouir.
Si elle se donne les moyens de vivre libre, c’est parce qu’Irene a hérité de beaucoup d’argent. C’est un thème important dans votre ouvrage : la différence de classe et de statut social entre Irene et ses amants par exemple. L’argent préserve aussi Marce et Irene du besoin et des soucis. Elle se pose la question de savoir ce qu’aurait été leur liaison sans argent. Vous mettez donc en avant cette question pécuniaire dans l’amour ; souhaitez-vous par là prendre le contrepied de cette hypocrisie, y compris en littérature, qui consiste à dissimuler cette question ?
Je me suis dit, au moment de la rédaction, qu’une histoire d’amour au XXIe siècle devait s’inscrire dans cette société, qui est celle du capitalisme. Il y a une obsession, dans le roman, qui est l’argent et le prix des choses, mais ce n’est pas moi qui l’ai inventée. C’est une obsession présente partout. Pour moi, un écrivain doit être un grand observateur de ce qui se passe autour de lui. J’observe que tout le monde parle d’argent et que l’argent dirige, détermine et gouverne le monde, même les couples, les mariages, les divorces. Il est partout et c’est la raison pour laquelle il est aussi dans le roman. Lorsque les romans font l’impasse sur l’argent, cela me rend nerveux car ils s’éloignent de ce qu’est la vie. J’ai besoin qu’un roman me donne le prix des choses, c’est une question de réalisme. Lorsque j’entre dans un magasin et que j’achète quelque chose, je dois le payer. Dans les conversations avec ses amis, on parle de la dernière voiture qu’on a achetée et du prix qu’elle a coûté. Ou du salaire qu’on gagne etc. Les gens tombent aussi amoureux de l’argent, à travers les personnes qu’ils choisissent pour partager leur vie : on regarde le statut économique, qui doit être le même sous peine d’être déclassé, le travail et la classe sociale, qui doivent également être identiques. Et si c’est possible, on essaye de grimper l’échelle sociale. Tout cela, c’est la vie qui se retrouve par conséquent dans le roman. Ensuite, l’interprétation est laissée au lecteur. Ma tâche est de lui dire : « Voilà ce qui se passe dans le monde, c’est une photographie ». Le roman est une photographie expressive et intelligente de la vie. C’est au lecteur, ensuite, de donner un sens à cette photographie. A lui de dire, en lisant le roman : « Le monde ne peut pas être comme ça ; il ne peut pas être dominé à ce point par l’argent. » Il s’agit déjà là d’un problème moral pour le lecteur.
Irene attache une grande importance aux montres de luxe et aux belles voitures. Elle considère la montre de luxe comme une sorte d’hommage ou de respect du temps. Elle regrette, par exemple, de ne pas avoir offert une montre à son amante Maria Florencia, qui regarde l’heure sur son téléphone portable.
C’est un hommage au temps. Irene aime les montres de luxe (Cartier, Rolex…) parce qu’elle pense que la vie d’un homme ou d’une femme, c’est le temps qui passe. Et ce temps est mesuré par une montre, qui doit, dans ce cas, être digne de sa tâchee. Elle ne l’imagine donc que comme un bel objet, presque rituel, comme un autel ou une église. Pour elle, ce n’est pas la même chose de voir 9 heures du matin affichées sur une Rolex à 50 000 euros que sur une Casio à 15 euros. Même si l’on sait pertinemment qu’il s’agit des mêmes 9 heures du matin ! Le lecteur peut s’en agacer, mais ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Notre monde a créé le luxe, qui dissimule la beauté. Irene recherche la beauté, mais elle se rend bien compte que la beauté et le luxe ont une relation compliquée, ils se heurtent, il y a une lutte entre eux. En effet, le luxe est frivole, ce n’est que de l’ostentation, du superficiel, alors que la beauté est authentique. Mais malgré tout, elle perçoit dans les montres haut de gamme une « belle » mesure du temps de sa vie.
C’est pourquoi vous écrivez : « Tout objectif est un ennemi de la beauté. » Son but n’est-il pas de voyager entourée de beauté ?
Elle va à l’hôtel et demande une chambre supérieure avec vue sur la mer. Mais qui ne voudrait pas d’une chambre avec vue sur la mer ? Si vous vous rendez dans un hôtel sur la côte et si l’on vous attribue une chambre avec vue sur le parking, vous seriez en droit d’être déçu. Ce que je fais, c’est mettre le doigt sur le point sensible et parler des questions les plus inconfortables de notre société. Je pense que c’est ce que la littérature doit faire, mettre le lecteur mal à l’aise.
Vous mettez en évidence les effets délétères du capitalisme et du tourisme de masse. Ainsi, le travail de Julio, le premier amant d’Irene, consiste à trouver de nouvelles enclaves touristiques sur les plages de la Méditerranée, qui est pour lui un monstre. N’est-ce pas justement le travers des pays méditerranéens, en premier lieu l’Espagne, depuis des décennies ?
L’Espagne, l’Italie et la Grèce, et dans une moindre mesure la France, sont devenues une sorte de matérialisation du paradis pour les pays d’Europe du Nord (les Allemands, les Suédois, les Suisses, les Néerlandais…). Ils doivent obligatoirement passer leurs vacances d’été sur la côte méditerranéenne, c’est leur idée fixe. Je n’ai fait que retranscrire cela dans le roman, car que signifie la Méditerranée ? Elle représente le beau temps, la santé du corps et de l’esprit, c’est le soleil, la lumière, la plénitude physique par opposition aux climats nordiques qui sont froids et inhospitaliers. Le plaisir se trouve en Méditerranée et c’est ce qu’Irene recherche. La Méditerranée est le symbole du plaisir et du paradis en Europe occidentale. C’est un personnage du roman en soi. Quiconque a passé un mois d’août sur les plages espagnoles, italiennes ou grecques sait qu’on en retire une énorme plénitude, il y a un plaisir de la brise marine, de la nourriture, de l’eau, de la lumière. Il y a aussi une exaltation du corps. De plus, la Méditerranée est une mer accueillante qui permet de se baigner, contrairement à l’Atlantique où il fait froid. En été, sur n’importe quelle côte méditerranéenne, on peut passer trois ou quatre heures dans l’eau. Les touristes viennent ici en masse et construisent de grandes maisons, des appartements, etc., à la recherche du plaisir. Ce n’est pas un hasard si la civilisation occidentale est née en Grèce ou à Rome, elle est très liée à la Méditerranée.
« La peinture, la photographie et le cinéma ont été inventés dans le seul dessein de sauver les visages de la mort. Le cinéma plus que les autres arts. » Le cinéma, récurrent dans votre ouvrage où Fellini est souvent mentionné, serait-il un moyen de parvenir à l’immortalité ?
Il est surtout un témoin du temps. Lorsque vous regardez de vieilles photographies de famille, par exemple, qui montrent vos parents à l’âge de vingt ans, votre cœur s’emballe et vous avez peur car vous percevez la présence énigmatique du temps.
Le roman est également un hommage à Federico Fellini. Je suis très fellinien. Ses films sont une célébration de la vie, une comédie sans fin, un rire général, comme on le voit à la fin de Huit et demi. Cette idée fellinienne d’un amour comique de la vie se retrouve dans mon roman. En ce sens, il y a une culture méditerranéenne de la célébration de la vie qui se traduit dans ses films. C’est en cela un cinéma très méditerranéen. C’est la même chose chez Almodóvar.
Dans la narration, vous changez parfois de personne : le plus souvent à la première personne (Irene), parfois la troisième. Comme si cela dénotait une sorte d’hésitation, d’errement : le lecteur partage les pensées les plus intimes d’Irene et d’un coup, il s’en distancie.
Il y a deux narrateurs : l’un à la troisième personne et l’autre à la première, qui est la voix d’Irene. Le narrateur à la troisième personne est toujours en faveur d’Irene. Il n’est pas du tout impartial, au contraire il est séduit par ce personnage. On la voit de plus loin, mais en même temps, elle bénéficie toujours d’un regard, si ce n’est complaisant, du moins amical et compréhensif.
A la fin du roman, on assiste à un retournement de situation, un effet de surprise qu’on ne peut pas dévoiler. Ce « twist » est un procédé fréquent au cinéma. Pour montrer que la vie réserve toujours des surprises ?
Exactement, oui. La fin constitue un rebondissement, qui se retrouve dans la vie de tout un chacun. Il arrive parfois qu’un bouleversement vous tombe soudainement dessus et change tout. Les gens pensent qu’une fois arrivés à l’âge de cinquante ans, qui est celui d’Irene, leur vie est toute faite, presque derrière eux. Ils ont un travail qui leur plaît, un partenaire, une famille, des amis…. Mais soudain, quelque chose se produit. Tout cela disparaît et il faut tout recommencer. Nous ne sommes jamais à l’abri et c’est aussi ce que je voulais que le lecteur voie.
- Entretien réalisé et traduit de l’espagnol par Guillaume Narguet
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Manuel Vilas : “La literatura es un viaje a las fronteras de la imaginación”
En su última novela, Nosotros, publicada por Editions du sous-sol, Manuel Vilas cuenta la historia de un duelo, el de Irene que, tras veinte años de amor apasionado y fusional con su marido Marcelo, conocido como Marce, tiene que aprender a vivir de nuevo sin él, fallecido a causa de una larga enfermedad. Así que Irene coge un coche de alquiler y recorre los hoteles de lujo de la costa mediterránea, desde España hasta Italia. Intenta redescubrir las largas horas de éxtasis y complicidad que pasó con su marido, al que adoraba, en brazos de amantes de paso que se le ofrecen como sacrificios o como recuerdos de sus viajes. Manuel Vilas traza un vívido retrato de la psique de una mujer cincuentona que decide aprovechar la vida en busca de la felicidad perdida, al tiempo que se atrapa a sí misma en una espiral de recuerdos que sólo pueden impulsarla a huir de una realidad cruel. ¿Y si todo fuera apariencia y fantasía?
Una reflexión sobre la vida, la muerte, la pasión, el paso del tiempo y el dinero que todo lo distorsiona, incluso la autenticidad de las relaciones humanas, Nosotros es un relato íntimo e incandescente de amor brujo.
Su última novela, Nosotros, es ante todo una historia sobre el duelo y la pérdida de un ser querido. Usted evoca grandes temas eternos: el amor, el paso del tiempo y la muerte, que todo lo acaba. ¿Cómo definiría esta obra? ¿Una historia de amor? ¿Un relato filosófico? ¿Un poema en prosa? ¿Todo eso a la vez?
Realmente todo a la vez. Cuando le oí mencionar estas diferentes interpretaciones, pensé en responderle que era una historia de amor, casi filosófica. Pero está escrita en un estilo en el que el ritmo, la poesía, el pensamiento y la belleza del lenguaje son muy importantes, así que prefiero decir que es una versión condensada, una mezcla de todo lo que ha sugerido. La novela no tiene una sola faceta. Si se presenta como una historia de amor, y así es como el lector entra en la novela y lo que ve al principio, entonces las cosas se complican y la estructura de la novela ya no es tan lineal.
Irene y Marce viven un amor absoluto, igual de intenso cada día, que asusta a quienes les rodean. El amor aísla, cito: “se habían aislado para acabar desconectados de toda realidad” y excluye: “la grandiosa celebración del fascismo del corazón”. El amor de la pareja parece más bien tiránico.
Una historia de amor es siempre el resultado de una elección, que por definición es discriminatoria. Desde un punto de vista filosófico, significa excluir a toda la humanidad y elegir a una sola persona de entre ella. Este es el amor tal y como se desarrolla en una pareja clásica, el amor canónico, tal y como lo ha entendido la civilización occidental. Es un amor que excluye, dejando sólo el núcleo de dos personas que viven juntas, que entienden juntas el mundo, que lo comparten todo. Se podría decir que es un acto de violencia. El “fascismo del corazón” es violencia contra todos los demás seres humanos. La mayoría de las crisis matrimoniales y los divorcios están motivados por el hecho de que, de repente, la elección inicial ya no tiene sentido ante la multitud de personas que se te presentan. Y, de hecho, los divorciados retoman automáticamente el contacto con los excluidos, con los que habían sido apartados en un primer momento.
Tras la muerte de Marce, Irene busca en el placer una vía de escape a su vida solitaria, vacía e incluso triste. ¿Podemos decir que está más enamorada del amor, al que ve como una forma de escapar de la realidad, una especie de droga?
Una droga, sí. Una utopía, una ilusión, una fantasía. Todos los seres humanos desarrollamos fantasías para tener fuerzas para seguir viviendo, o para tener la ilusión de triunfar en el trabajo, ganar dinero, alcanzar el éxito político… Es algo que necesitamos para sobrevivir. La novela explora esto: ¿qué es el éxito en la vida? Esa es la pregunta que se hace Irene. Ella piensa que sin amor, sin la ilusión de un gran amor, no habría vida exitosa, no significaría nada. Pero la novela no da realmente una respuesta al misterio de la condición humana, que plantea muchas preguntas sin resolver. Creo que un ser humano necesita amar y ser amado para que la vida tenga sentido. Si se convierte en un ser solitario, pierde su verdadera razón de vivir, que es tender la mano a los demás. Es cierto que, hoy en día, muchas personas viven solas y han renunciado a las relaciones. Es una nueva realidad sociológica. También hay parejas que no viven juntas, sino separadas, cada una en su casa. Irene ve estas nuevas tendencias sociológicas en el amor, algunas de ellas derivadas del miedo a la rutina, a la convivencia, que hace que las parejas se rompan y se desgasten mutuamente. Su utopía, su fantasía, es haber vivido veinte años de amor prodigioso. Pero, ¿cómo es en realidad?
El amor propio también es muy importante para ella; como escribe: « No amamos a los muertos, nos amamos a nosotros mismos. Amamos la parte de nuestra identidad contenida en nuestros muertos. […] Se amaba a sí misma a través de Marce. » Hay que decir que hay mucho egoísmo en Irene, a quien no le importan necesariamente las convenciones sociales y que utiliza y consume a sus amantes.
Cuando amamos a alguien, nos amamos a nosotros mismos a través de otra persona. Esa es la complejidad del amor. Si amas de verdad, haces un sacrificio. Por ejemplo, cuando Irene pierde a su marido, se pregunta a quién amaba realmente: ¿a su marido muerto? ¿A la vida que llevaba con él? ¿O la parte de sí misma que su marido se llevó consigo al morir? ¿Queremos realmente a la otra persona, o creemos que la queremos? Esta es la pregunta que plantea la novela. Las parejas se separan porque creían amarse, pero de repente se dan cuenta de que no es así.
Mostrarla con todos estos defectos era asentarla o anclarla en la realidad tras el sueno encantado de amor?
Claro. Ella no es una persona convencional. Es una mujer muy especial, con unos instintos eróticos y unas pulsiones de libertad especiales. A veces puede parecer una mujer inmoral, que solo busca su placer y su deseo, pero en eso se parece a miles y miles de seres humanos.
Alicia, la anciana tía de Marce, se da cuenta de eso. Esto da profundidad psicológica al personaje, que aparece con sus contradicciones, su desesperación, su miedo a envejecer. A diferencia del personaje de Marce, que es mas sencillo, sin aristas. ¿Cómo pensó y construyó este personaje femenino?
Fue un desafio colocarme en el punto de vista de una mujer. Creo que la literatura es un viaje a las fronteras de la imaginación. El hecho de ser hombre no significa que no puedas escribir o crear un personaje femenino, y viceversa. Una mujer puede crear un personaje masculino. La literatura no conoce fronteras. Incluso puedes pensar en un personaje inanimado (una montaña, por ejemplo, o un extraterrestre), la literatura es un reino inagotable de posibilidades y voces. Así que elegí a una mujer, porque en aquel momento quería contar la historia de una mujer.
Que piensa de los sensitivity readers?
No estoy familiarizado con esta nueva moda. Todo escritor, cuando termina una novela, se la hace leer a un amigo o a su editor. Así que cuando terminé Irene, algunas mujeres la leyeron, precisamente para ver si la sensibilidad del personaje era realmente la de una mujer. Son comprobaciones que me parecen normales. Como soy hombre, me habría resultado más fácil hacer que mi protagonista fuera un hombre. Pero lo bueno de la literatura es que puedes travestirte, transformarte; si eres hombre, puedes transformarte en mujer. Si eres mujer, puedes transformarte en hombre. Esa es una de las cosas más maravillosas de la literatura, esta libertad total. Y creo que es precisamente por eso por lo que la literatura sigue viva, gracias a su inagotable capacidad para reinventarse y alcanzar nuevas fronteras de la imaginación.
Cuando se acuesta con otros hombres o mujeres, es para volver a ver a Marce en una visión, que aparece en lo alto de una escalera en llamas. Ella evoca “un ritual de transubstanciación” y habla de Dios, diciendo que nunca ha respondido a ningún humano excepto “nosotros, Marce y yo”. Hay un lado místico y ritual en el amor de Irene. ¿Cree que esto es cierto del amor en general?
Es su experiencia personal, su forma de afrontar el dolor. Desarrolla una fantasía, se podría decir que inventa una liturgia religiosa. Siente la necesidad de trascender el amor humano, de transformarlo en algo religioso, porque entonces tiene más fuerza y poder. No creo que sea necesario hacerlo en todos los casos, pero para ella lo es. Aunque ella no crea en Dios, y Marce y yo tampoco. Yo no creo en Dios por una razón muy sencilla: no existe. Es una pregunta a la que le he dado muchas vueltas. Fui agnóstico durante la mayor parte de mi vida, pero ahora ya no lo soy. Me parece normal no creer en algo que no existe.
¿Podemos decir que el poema de Quevedo, que puntúa la narración y se repite regularmente a lo largo de la novela como un mantra, es una especie de plegaria a un dios del amor?
El poema de Quevedo es un recordatorio del amor que puede vencer a la muerte. Esta es la obsesión de Irene: mi marido ha muerto, pero siempre está conmigo. Eso es lo que hacemos los seres humanos a través de la memoria. Mi marido está muerto, pero yo lo recuerdo constantemente, así que sigue vivo en mí y mi amor es tan intenso que lo saca del mundo de los muertos y lo devuelve a la vida. Esta es una de las grandes utopías de la literatura, la belleza, la poesía y la filosofía. Pensemos en Platón y en su idea del alma, si es que existe: es inmortal, y en ella se ha depositado el amor, por lo que también es inmortal. Es idealismo, y eso es lo que está construyendo. Depende del lector creerlo o no. En mis novelas, doy mucha libertad al lector.
Un otro tema en la novela es la libertad. Irene es también una amante de la libertad. Viaja en coche de España a Italia, de hotel en hotel. Cito: “Aspiro a viajar todo el tiempo, que es diferente de estar de viaje. No tengo casa, ni hogar, ni familia, porque fuiste tú quien simbolizó todo eso”. Así que no tiene lazos. ¿Pero no es una ilusión? Porque, al mismo tiempo, admite que quiere “cambiar el pasado por el deseo”. El deseo es por naturaleza perpetuamente insatisfecho, así que se encierra en una búsqueda imposible, como Don Quijote.
Es una road movie, una novela de carretera. Es a través del viaje conforme vamos viendo como es ella. Viajar significa tomar decisiones. Mientras viajas, estás logrando algo. Y es durante el viaje cuando la vida cobra todo su sentido; cuando te detienes, tienes que tomar una decisión, tomar una dirección. Es como si la vida preguntara: “Ahora que no nos movemos, ¿qué hacemos?” El viaje es una explicación de la vida, como dejó claro Don Quijote. Encuentra sentido a su vida porque viaja y realiza una serie de hazañas o proezas. Es una vida nómada de acción que no necesita justificación ni explicación: voy a alguna parte, ése es el sentido de mi vida.
Irene se encierra en una especie de atavismo familiar: se refiere al mimetismo de Marce con su padre, locamente enamorado de su mujer que le deja viudo, pero al final es ella quien reproduce el comportamiento de su propia madre. Una vez más, la libertad es una prisión o una ilusión.
Es una especie de repetición de lo que ya ha vivido. No sé por qué hice eso. Hay cosas que un novelista no sabe por qué hace. Puede ser todo una imaginación del personaje. Toda la novela esta consagrada al amor, a que da sentido a la vida. Esta es la pregunta constante. No hemos inventado otra cosa que el amor para alcanzar una plenitud.
La razón por la que tiene medios para vivir libremente es porque Irene ha heredado mucho dinero. Este es un tema importante en su obra: la diferencia de clase y de estatus social entre Irene y sus amantes, por ejemplo. El dinero también protege a Marce y a Irene de la necesidad y la preocupación. Ella se pregunta cómo habría sido su relación sin dinero. Así que usted destaca la cuestión del dinero en el amor; ¿trata de denunciar la hipocresía, incluso en la literatura, de ocultar esta cuestión?
Cuando la estaba escribiendo, me dije que una historia de amor en el siglo XXI tenía que estar ambientada en esta sociedad, que es la sociedad del capitalismo. En la novela hay una obsesión por el dinero y el precio de las cosas, pero no la he inventado yo. Es una obsesión que está presente en todas partes. Para mí, un escritor tiene que ser un observador agudo de lo que ocurre a su alrededor. Observo que todo el mundo habla de dinero y que el dinero rige, determina y gobierna el mundo, incluso las parejas, los matrimonios y los divorcios. Está en todas partes, y por eso también está en la novela. Cuando las novelas ignoran el dinero, me pone nerviosa porque se distancian de lo que es la vida. Necesito que una novela me dé el precio de las cosas, es una cuestión de realismo. Cuando voy a una tienda y compro algo, tengo que pagarlo. En las conversaciones con amigos, hablamos del último coche que compramos y cuánto costó. O de cuánto se gana, etc. La gente también se enamora del dinero, a través de las personas con las que elige compartir su vida: nos fijamos en el estatus económico, que debe ser el mismo o corremos el riesgo de que nos bajen de categoría, el trabajo y la clase social, que también deben ser los mismos. Y si es posible, intentan ascender en la escala social. Todo esto es la vida, y se refleja en la novela. Luego le toca al lector interpretarlo. Mi trabajo es decir: “Esto es lo que pasa en el mundo, es una fotografía”. La novela es una fotografía expresiva e inteligente de la vida. Corresponde entonces al lector dar sentido a esta fotografía. A él le corresponde decir, al leer la novela: “El mundo no puede ser así, no puede estar tan dominado por el dinero”. Esto ya es un problema moral para el lector.
Irene da mucha importancia a los relojes de lujo y a los coches bonitos. Ve el reloj de lujo como una especie de homenaje o respeto al tiempo. Lamenta, por ejemplo, no haber regalado un reloj a su amante María Florencia, que mira la hora en su teléfono móvil.
Es un homenaje al tiempo. Irene adora los relojes de lujo (Cartier, Rolex…) porque cree que la vida de un hombre o de una mujer es el paso del tiempo. Y ese tiempo lo mide un reloj, que debe, en este caso, ser digno de su mision. Así que sólo se lo imagina como un objeto bello, casi ritual, como un altar o una iglesia. Para ella, no es lo mismo ver las 9 de la mañana en un Rolex de 50.000 euros que en un Casio de 15 euros. ¡Aunque sepamos perfectamente que son las mismas 9 de la mañana! Puede que los lectores se molesten, pero las cosas no funcionan así. Nuestro mundo ha creado el lujo, que oculta la belleza. Irene busca la belleza, pero se da cuenta de que belleza y lujo tienen una relación complicada. El lujo es frívolo, ostentoso y superficial, mientras que la belleza es auténtica. Pero a pesar de todo, ella ve en los relojes de alta gama una “bella” medida del tiempo en su vida.
Eso es razón por la cual escribe : “Todo objetivo es enemigo de la belleza”. ¿No es su objetivo (a Irene) viajar rodeada de belleza?
Va al hotel y pide una habitación superior con vistas al mar. Pero, ¿quién no querría una habitación con vistas al mar? Si vas a un hotel de la costa y te dan una habitación con vistas al aparcamiento, tienes todo el derecho a estar decepcionado. Lo que hago es poner el dedo en la llaga y hablar de los temas más incómodos de nuestra sociedad. Creo que eso es lo que debe hacer la literatura, hacer que el lector se sienta incómodo.
También usted destaca los efectos nocivos del capitalismo y del turismo de masas. Por ejemplo, el trabajo de Julio, el primer amante de Irene, consiste en buscar nuevos enclaves turísticos en las playas del Mediterráneo, que para él es un monstruo. ¿No es esto precisamente lo que azota a los países mediterráneos, España en particular, desde hace décadas?
España, Italia y Grecia, y en menor medida Francia, se han convertido en una especie de materialización del paraíso para los países del norte de Europa (alemanes, suecos, suizos, holandeses…). Tienen que pasar sus vacaciones de verano en la costa mediterránea, es su idea fija. Me he limitado a transcribirlo en la novela, porque ¿qué significa el Mediterráneo? Representa el buen tiempo, un cuerpo y una mente sanos, el sol, la luz y la plenitud física, frente a los climas fríos e inhóspitos del norte. En el Mediterráneo se encuentra el placer, y eso es lo que busca Irene. El Mediterráneo es el símbolo del placer y el paraíso en Europa Occidental. Es un personaje más de la novela. Cualquiera que haya pasado un mes de agosto en las playas de España, Italia o Grecia sabe que hay una enorme sensación de plenitud, un placer en la brisa marina, la comida, el agua, la luz. También hay una exaltación del cuerpo. Además, el Mediterráneo es un mar acogedor donde se puede nadar, a diferencia del Atlántico, donde hace frío. En verano, en cualquier costa mediterránea, se pueden pasar tres o cuatro horas en el agua. Los turistas vienen aquí en masa y construyen grandes casas, pisos, etc., en busca de placer. No es casualidad que la civilización occidental naciera en Grecia o Roma; tiene fuertes vínculos con el Mediterráneo.
“La pintura, la fotografía y el cine se inventaron con el único propósito de salvar rostros de la muerte. El cine más que las otras artes”. ¿Podría ser el cine, tema recurrente en su libro en el que se menciona a menudo a Fellini, un medio para alcanzar la inmortalidad?
Sobre todo, es testigo del tiempo. Cuando miras viejas fotografías familiares, por ejemplo, en las que aparecen tus padres a los veinte años, se te acelera el corazón y sientes miedo porque percibes la enigmática presencia del tiempo. La novela es también un homenaje a Federico Fellini. Soy muy felliniano. Sus películas son una celebración de la vida, una comedia interminable, una carcajada general, como vemos al final de Ocho y medio. Esta idea felliniana de un amor cómico por la vida se encuentra en mi novela. En este sentido, hay una cultura mediterránea de celebración de la vida que se refleja en sus películas. Es un cine muy mediterráneo. Lo mismo ocurre con Almodóvar.
En la narración, a veces cambia de persona: casi siempre la primera del singular (Irene), a veces la tercera. Es como si esto denotara una especie de vacilación: el lector comparte los pensamientos más íntimos de Irene y de repente se distancia de ellos.
Hay dos narradores: uno en tercera persona y otro en primera, que es la voz de Irene. El narrador en tercera persona está siempre a favor de Irene. No es en absoluto imparcial; al contrario, se siente seducido por este personaje. La vemos desde la distancia, pero al mismo tiempo siempre la mira, si no con complacencia, al menos con amistad y comprensión.
Al final de la novela, hay un giro, una sorpresa que no se puede desvelar. Este “giro” se utiliza a menudo en las películas. ¿Para mostrar que la vida siempre depara sorpresas?
Exacto, si. El final es un rebote, que puede darse en la vida de cualquiera. A veces te pasa algo de repente que lo cambia todo. La gente piensa que una vez que llegan a los cincuenta, que es la edad de Irene, su vida está todo arreglado, casi detrás de ellos. Tienen un trabajo que les gusta, una pareja, una familia, amigos…. Pero de repente ocurre algo. Todo desaparece y tienen que empezar de nuevo. Nunca estamos a salvo, y eso es lo que quería que viera también el lector.