Des six années qu’elle a passées en Israël comme correspondante de presse, Marie Semelin a tiré un premier roman rigoureux, intelligent et sensible, qui entremêle la myriade de récits individuels qu’elle a pu collecter sur place.

Il est toujours intimidant – voire angoissant – de revoir un.e ami.e perdu.e de vue, surtout lorsque le prétexte aux retrouvailles avec l’ami.e en question est la sortie d’un livre. Son livre en l’occurrence. Un roman paru le 20 août dernier chez JC Lattès et intitulé Les certitudes.
La dernière fois que Marie et moi nous sommes vues c’était en Israël fin 2017, début 2018. Nous nous étions donné rendez-vous une première fois dans son quartier de Jaffa, à Tel Aviv, lorsque que j’avais atterri en Terre Promise flanqué de mon amoureux, puis nous nous étions revues à la fin de notre périple, cette fois à Jérusalem. Je me rappelle que nous avions descendu des bières dans un rade niché au cœur d’un marché désert puis d’autres encore sur le roof-top d’un hôtel huppé près de la porte Neuve. Après les embrassades d’aurevoir, mon amoureux et moi étions partis explorer, sur son conseil, le quartier ultra-orthodoxe de Musrara, dont l’entrée est signalée par le grand graffiti d’une mystérieuse panthère noire…
Jeudi 28 août 2025. Nous voilà attablées en terrasse autour d’un thé vert dans le XIe arrondissement. À toute vitesse, nous rattrapons le temps perdu : souvenirs de nos beuveries Erasmus à Istanbul, unions, désunions, naissances, boulots, désillusions, démissions. Écriture.
Pour la faire courte : Marie est arrivée « un peu par hasard » en Israël en 2013 pour travailler comme journaliste indépendante – « En tant que Française qui ne croit pas en Dieu, je me suis pris une claque. En gros, je pensais que je connaissais l’Histoire mais en fait, je ne connaissais pas l’Histoire. » Est tombée amoureuse d’un Arabe de Nazareth – « Tu peux dire aussi Arabe d’Israël mais surtout pas Arabe israélien ». Est rentrée en France en 2019 avec son conjoint pour donner naissance à une petite fille en 2020, puis un garçon deux ans plus tard. Pourquoi en France et pas en Israël ? « Je ne me voyais pas élever mes enfants là-bas ». Y retourne désormais « deux à trois fois par an », principalement pour rendre visite à sa belle-famille. A arrêté le journalisme il y a cinq ans et travaillé dans le brand-content – « J’ai vite compris que je n’étais pas capitaliste… » A décidé de démissionner de son dernier boulot pour écrire son roman dont le travail préliminaire a été balayé le 7 octobre 2023, lorsque le Hamas a fait irruption en Israël pour perpétrer un massacre au cours duquel 1 200 personnes ont été assassinées et plus de 250 prises en otage.
Ce matin-là, Marie était en famille au bord d’une rivière, en Allemagne. Les notifications de Haaretz et d’Al–Jazeera déferlent sur les téléphones. « On lit que des individus armés ont attaqué des localités proches de Gaza. Qu’il y a eu des échanges de tirs de roquettes. Le cauchemar.On a passé la journée chacun sur son écran. » Très vite, Marie comprend qu’il lui sera impossible de raconter ce pays en faisant abstraction de cet événement. Elle réorganise son plan de travail. Se rend sur place en février 2024. « J’étais dans ce besoin physique de sentir, de comprendre ce qui se passait, et aussi de voir mes amis. On ne va pas se mentir, dans cet océan de douleur qui a suivi cette journée atroce, j’en ai perdu certains. » Si l’histoire en tant que telle demeure inchangée, le 7-Octobre en devient l’élément déclencheur.
Le pitch du coup : Anna, pigiste-chômeuse de 26 ans, vit en coloc à Paris avec Madame Simone, une juive orientale née à Fès, au Maroc, 75 ans plus tôt. Lorsque celle-ci décède subitement, peu après le « Shabbat Noir », un mystérieux parent de la septuagénaire lui apprend qu’elle a hérité d’un appartement à Tel Aviv. Sur place, la jeune femme comprend que ce leg est un leurre et se lance alors dans une vaste enquête pour tenter de reconstituer le puzzle de la vie sublime et tragique de Madame Simone…
Ses recherches la conduisent au cœur du quartier de Musrara, à Jérusalem, qui fût, au moment de la constitution de l’État d’Israël, en 1...