Selon le dernier rapport de l’Institut des Politiques Publiques, seuls 14 % des cas de violences sexuelles sont poursuivis en justice, puis seuls 2 % des agresseurs sont condamnés à de la prison ferme. Plus précisément, entre 2012 et 2021, le taux de classement sans suite des plaintes déposées pour viol est passé de 82 à 94 %. Comment protéger alors les femmes, principales victimes des violences sexuelles commises par les hommes, protégés, quant à eux,  par une justice patriarcale enracinée dans le territoire français ? Mathilde Morrigan, aussi connue sous le pseudonyme @WithoutPatriarchy s’est posé cette question dans son second essai, Notre droit à la vengeance.

Notre droit à la vengeance, Mathilde Morrigan

Mathilde Morrigan, influenceuse féministe, lesbienne et sorcière dont le compte Instagram regroupe près de 50 000 followers souligne dans cet essai, pratiquement un manifeste, une réalité très simple : les hommes ont le droit, les femmes ont des devoirs. Au travers d’exemples de l’actualité, cinématographiques ou encore littéraires, l’autrice met en avant la sempiternelle impunité des hommes auteurs de violences sexistes et sexuelles. Pour cela, elle n’hésite pas à employer un vocabulaire et une syntaxe moderne, crue et sans tabou : « L’homme menace de la violer, de la brûler, de l’égorger… Et la justice s’en branle, comme d’habitude. » 

Les violences peuvent être expliquées par l’impunité des hommes permise par la justice et par l’éducation des femmes, supposées douces et clémentes.

Pour l’autrice, les violences peuvent être expliquées par l’impunité des hommes permise par la justice et par l’éducation des femmes, supposées douces, aimantes et clémentes. De ce fait, leur socialisation tourne autour d’une crainte constante des accès de véhémence masculins : « J’ai été éduquée à craindre sa colère et ses coups ». Or, cette habitude fait passer les violences envers les femmes pour des actes triviaux, inhérents à la nature masculine. Pour souligner cette idée, l’autrice retranscrit une note vocale publiée par une influenceuse nommée Lucile sur son compte Instagram, en mars 2023, dans laquelle son ex-compagnon la menace. Cette dernière avait porté plainte à maintes reprises ; il a été incarcéré trois mois avant de ressortir libre et de commencer à la harceler de ces notes vocales :  

« J’suis libre comme l’air, je fais ce que je veux. […] Tu peux porter plainte, je sais comment ça marche. J’serai toujours dehors. […] violé après, je leur ai fait la misère, c’est vrai, c’est vrai, mais je suis toujours libre. Et toi, je peux très bien te faire pire. Comme ça, gratuit comme ça ! ».

La femme sujet n’existe pas 

Selon Mathilde Morrigan, le fait que les femmes n’osent pas se venger ou plutôt n’ont pas été conditionnées à le faire est représentatif du manque de contrôle qu’elles ont envers leur propre corps. En effet, la socialisation féminine repose en grande partie sur les normes sexuelles de passivité, de don du corps au conjoint censé la protéger. Ainsi, l’homme « défend. Il protège. Il rend justice. ». « En tant qu’héritier du patriarcat [les hommes ont] le droit d’être en colère, de le montrer et d’être écoutés quand ils le sont ». Au contraire, la femme victime doit « fermer sa gueule ». Comment peut-elle faire autrement lorsque même son traumatisme et ses répercussions lui sont volés ? De fait, au XVIIIe siècle, lorsqu’une jeune fille était violée, il revenait à son père ou plus tard, à son mari, de redorer l’honneur de la famille, car oui, un viol ...