Le 16 février dernier, les sièges de Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha étaient vides. Dans leur dernier film, récompensé à la Berlinale mais censuré et réprimé en Iran, les réalisateurs nous font vivre une nuit libre, joyeuse et doucement effrontée. À en renier le soleil.

Il y a deux mondes. Celui du jour, des réveils à midi, du hijab et des courses, et celui de la nuit, porte ouverte à l’insomnie et au visionnage intempestif de feuilletons à l’eau de rose. Nul besoin de longs discours pour nous faire saisir immédiatement l’extrême solitude de Mahin : un appartement trop grand et une hâte à l’idée de rejoindre un groupe d’amies suffisent. La septuagénaire est veuve depuis trente ans, ses enfants sont partis à l’étranger, elle n’a plus beaucoup d’opportunités amicales et encore moins amoureuses. C’est là tout le problème. Dans son quotidien découpé en deux – le dehors et le dedans –, la routine seule lui tientcompagnie.
Alors, que faire de cette solitude ? Loin du pathos, Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha en proposent un traitement comique, comme dans ces scènes où Mahin se met en tête de trouver un compagnon. Dans l’espace public régi par des règles draconiennes, la drague est strictement interdite, transformant les pudiques tentatives de rapprochement de Mahin en sorte de cruising hétérosexuel du troisième âge. S’asseoir à côté d’un inconnu dans une file d’attente ou demander une direction au gardien du parc sont des gestes transgressifs, mus par l’espoir d’établir une connexion, un lien, une possible relation. Mais l’extérieur ne peut offrir cette intimité. Ce n’est pas un hasard si l’homme choisi, le futur amant au sens premier du terme, se révèle être chauffeur de taxi. La voiture, omniprésente dans le cinéma iranien (Taxi Téhéran de Jafar Panahi, Ten et Le Goût de la cerise d’Abbas Kiarostami), est précisément un espace intermédiaire, entre l’intimité de la maison et l’hostilité du dehors. C’est ici que la rencontre amoureuse peut éclore. Mon gâteau préféré fait tenir en un jour et une nuit des années de vie et, arrivés au bout de leur solitude, Mahin et Faramarz n’hésitent plus. Ils ont trop attendu pour rester dans l’anonymat d’une voiture. Dès lors, nous ne quitterons plus l’appartement de Mahin, transformé par la tendresse débordante et l’épanchement joyeux qui peuplent cette nuit.
Mon gâteau préféré travaille l’espace du désir. Le désir de liber...