Je ne comptais pas spécialement lire le livre de Nicolas Bedos. Je m’estimais abreuvée en quantité suffisante des larmes d’hommes toujours désolés d’avoir été pincés. #Metoo a huit ans cette année, et je ne comprends pas qu’il y en ait toujours au fond de la classe pour continuer de pleurer lorsqu’on les prend la main dans le sac.

Au fil des critiques que j’en ai lues, des vidéos où Laurène Marx l’explose par le menu, j’ai bien eu envie d’en être et d’étancher sa soif de honte.
Dès les premières pages, on sait ce qui nous attend pour les trois cents suivantes : c’est mal écrit. Très mal écrit. Tenir vingt pages tient de l’exploit. Rien ne vient jamais, ni le rire, ni la réflexion, et encore moins la confrontation qu’il promet pourtant à l’envoi : « écrire “tu” m’a permis de me confronter sans détour ». Seuls viennent les détours par lesquels le petit Nicolas tente de nous faire croire que son mal-être est un fait politique.
De son alcoolisme mondain, dont il nous livre le tuto pour camoufler les stigmates « des bitures que tu t’infliges tous les week-ends depuis trente ans », à son passé d’incel en boîte de nuit, tout coince et sonne faux comme une légende personnelle écrite vite et mal. Obsédé à nous prouver qu’il est l’homme de lettres qu’il croit être, il name droppe à l’envi, sans jamais citer un auteur de moins d’un siècle, ni d’autrice. Marivaux, Soljenitsyne, Hugo, dont il parodie le lyrisme lorsqu’il s’adresse à son père comme s’il écrivait à Dieu, regrettant que ce dernier soit parti avant d’avoir pu « dissiper le brouillard ». Mais n’est pas Victor Hugo qui veut et ses envolées sont toutes plus creuses les unes que les autres, ponctuées de rimes dignes d’un élève de CE2 : « trop de violon tue l’émotion », « tout doux bijou », « un branleur très prometteur ».
“Tout coince et sonne faux comme une légende personnelle écrite vite et mal.”
Dans ce grand déballage, on compatit bien sûr lorsqu’on lit que « voir se vider le cerveau d’un homme qui a forgé le nôtre, c’est un avant-goût de l’apocalypse », comme on compatit à la mention du viol et de la relation d’emprise qu’il a subis d’un ami de son père dans sa jeune vingtaine, mais il expose tant ses proches, et surtout des femmes, les vraies éclaboussées par sa soif de honte, que ça ne dure pas : sa compagne Pauline, sa demi-sœur Anne, ses amies Mariam, Elsa, d’autres qu’il ne nomme pas.
Toutes lui servent de caution : l’une est plus réac sur #MeToo que Catherine Deneuve, l’autre ne peut jouer juste que lorsqu’un homme lui crie dessus, la dernière l’encourage à s’appropr...