Nicolas Krastev-Mckinnon revient sur les raisons qui l’ont conduit à écrire son livre La vie sans fondement, paru en mars 2025 aux éditions Philippe Rey. Un roman puissant, empreint de lumière et de poésie, à la recherche d’une justesse dans le rapport au corps et à la maladie : « Un récit de cicatrisation en temps réel ».

Victor Dumiot : Est-ce que tu pourrais revenir sur la genèse de ce livre ? Quelle a été l’impulsion première, son origine profonde ?
Nicolas Krastev-Mckinnon : Le projet du livre est né quelques mois après ma « guérison définitive », quand les choses se sont un peu calmées. J’ai passé six mois à faire de la rééducation, à réapprendre à m’asseoir et à vivre loin de l’hôpital, sans les infirmiers. Mais un traumatisme profond demeurait, des souvenirs qui ne se détachaient pas malgré le temps qui passait. La maladie était toujours présente dans mon quotidien, presque obsessionnelle, comme si j’attendais son retour.
J’ai alors eu l’idée d’un récit qui formaliserait cette expérience de la chute, de cet effondrement lié à mon problème au coccyx. J’ai décidé d’y intégrer aussi le récit du cancer qui m’avait frappé plus jeune. C’était pour moi une manière d’exorciser le mal, de reprendre possession d’une histoire dans laquelle j’avais été longtemps passif.
Victor Dumiot :Justement, ce qui est frappant dans ton récit, c’est que derrière l’histoire d’un corps malade se dessine aussi celle d’une maladie fantôme, omniprésente. Ton hospitalisation récente semble réactiver celle, plus ancienne et plus grave encore. Comment as-tu vécu ce phénomène de réminiscence ?
Nicolas Krastev-Mckinnon : La difficulté tenait au fait qu’après avoir guéri du cancer, il y a eu des années de contrôles réguliers, d’IRM, de suivis médicaux incessants. Je vivais constamment avec le spectre de la récidive. Et c’est précisément quand ce spectre semblait s’éloigner définitivement que cette nouvelle problématique, celle du coccyx, est apparue.
Au début, j’ai ressenti cela comme une malédiction, une grande injustice. J’avais l’impression cruelle de subir une nouvelle attaque par derrière, au sens propre comme au figuré : j’ai deux cicatrices, une à l’arrière du crâne et une autre dans le bas du dos. Cela m’a laissé l’impression amère d’être trahi par mon propre corps.
« Mon rapport au corps est empreint de méfiance, voire d’adversité. »
Victor Dumiot : Quel rapport entretiens-tu aujourd’hui avec ton corps après ces épreuves ?
Nicolas Krastev-Mckinnon : Je dirais que mon rapport au corps, mon corps, est empreint de méfiance, voire d’adversité. J’ai souvent l’impression d’être prisonnier d’une courbature perpétuelle, d’une douleur qui ne s’en va pas, qui est toujours près de moi. Aussi, je suis encore aux aguets : c’est que je pourrais être de nouveau trahi.
Victor Dumiot :C’est très juste, un corps qui ne cesse de te trahir. Ce qui est remarquable, pourtant, c’est la façon dont tu choisis de raconter cette expérience dans ton récit. Là où on pourrait s’attendre à quelque chose de dramatique, tu abordes la maladie avec humour et poésie. Pourquoi ce choix ?
Nicolas Krastev-Mckinnon : Parc...