Le Grand Palais nous offre une rentrée à l’image de l’orientation amorcée par l’exposition Bill Viola le semestre dernier. La rétrospective Niki de Saint-Phalle jusqu’au 2 Février 2015 est l’exemple même d’une institution s’ouvrant à l’art contemporain, pour notre plus grand plaisir.
La Tate Modern de Londres avait déjà proposé en 2008 une rétrospective sur Niki de Saint-Phalle, la présentant à un public peu alerté de son existence. Même si cette exposition avait la démocratisation comme principal objet, elle n’en était pas moins documentée. Le Grand Palais reprend en partie le travail britannique. Divisée en trois grands axes, ceux ci ne cessent de démontrer que Niki de Saint-Phalleest bien plus qu’une simple artiste, elle incarne aussi un féminisme exacerbé tout en conservant sa part de féminité. Et il est bon de rétablir cet aspect du mouvement, à l’heure où les Femen tendent à le desservir.
Son appartenance au mouvement des Nouveaux Réalistes est indéniable (comprendre l’équivalent français du Pop Art). Face à « Night Experiment », on pourrait se surprendre à penser « C’est un Robert Rauschenberg !». Cependant une différence est notable : alors que le Pop Art et les Nouveaux Réalistes se séparent de toute expérience personnelle pour faire une oeuvre universelle, Niki de Saint-Phalle puise son inspiration dans les moments clés de son existence, et notamment l’inceste imposé par son père : et c’est cet inceste qui a sans doute exacerbé sa lutte féministe omniprésente. L’exemple flagrant reste le premier long métrage expérimental « Daddy » y faisant référence ainsi qu’à la domination entre les sexes. Sa lecture de l’oeuvre de Simone de BeauvoirLe Deuxième Sexe est aussi un catalyseur, elle adopte donc un point de vue existentialiste, voulant se débarrasser de l’enfermement dans la condition féminine (« La Toilette ») et devenir une héroïne d’un monde à réinventer où la femme ne serait pas l’égal de l’homme mais plutôt son supérieur.
Cette volonté de s’affirmer comme supérieure à l’homme transparaît dans sa folie des grandeurs, ses Nanas démesurées, son jardin aux sculptures gigantesques et « Gaudiesque » le « Jardin des Tarots ». Selon Niki de Saint-Phalle, ses « sculptures représentent le monde de la femme amplifié, la folie des grandeurs des femmes, la femme dans le monde d’aujourd’hui, la femme au pouvoir. »
Omniprésente féminité
Les Nanas, symboles du féminisme, n’en sont pas moins féminines. Plusieurs interprétations sont suggérées: petite tête mais corps et ventre imposants donnant une vision unique de la femme comme machine reproductrice ou alors envisageant cette dernière comme un don de la nature plaçant la femme comme être supérieur car seule dotée du pouvoir de création de l’humanité.
Les formes de ces Nanas, les couleurs vives et les courbes caractéristiques de son travail sont autant de raison pour Niki de Saint-Phalle de prouver que seule une femme peut produire ce type d’oeuvre. Elle privilégie alors un art féminin sans pour autant l’isoler du masculin et négliger la compétition avec le sexe opposé.
Niki de Saint-Phalle, le personnage, est elle même l’ambassadrice du féminisme féminin, mannequin chez Vogue avant de devenir artiste, elle considère qu’une femme doit garder tous les privilèges que lui offre la féminité pour dépasser le sexe jugé fort.
Le Grand Palais nous propose alors une rétrospective complète, brossant l’ensemble du travail de l’artiste tout en mettant en exergue l’engagement de la féministe. La scénographie qui, contre toute attente, trouve un juste milieu entre le rappel subtil de l’univers de l’artiste et la mise en valeur de son oeuvre contribue à en faire l’une des expositions-événements de la rentrée, à ne surtout pas manquer !
- Niki de Saint-Phalle au Grand Palais du 17 septembre 2014 au 2 février 2015
Cassandre Morelle