Paris Photo est grand : plus de 190 galeries présentaient leurs œuvres côte à côte au Grand Palais Éphémère. Véritable bouillonnement photographique, cette édition fut un succès qui a attiré les foules ! Nous promenant pendant ces quatre jours de foire, nous voilà au secteur Curiosa avec trois galeries qui ont retenu notre attention.
Ce sont des galeries émergentes, l’une est française, la deuxième est canadienne et la troisième taïwanaise. Chacune présentait un photographe contemporain en exposition personnelle.
Fisheye Gallery
À la fois sur le salon A ppr oc he, la Fisheye Gallery, connue pour sa revue photographique, perce et devient une figure incontournable de la scène photographique contemporaine. Pour cette exposition à Paris Photo, Salomé d’Ornano et son équipe ont choisi de présenter la photographe Ilanit Illouz dont les photographies en noir et blanc nous sont apparues comme une recherche de la matière et de la texture. Elles constituent une plongée dans des paysages décontextualisés où se mêlent l’eau et la roche. Ce qui nous a attirés est la recherche technique et, à notre approche, l’éclat lumineux des cristaux de sel qui fossilise les tirages. Double figement donc, par la photographie, puis par le geste plastique. La mémoire est alors immortelle.
Il y avait une certaine douceur à arpenter l’accrochage, à voguer de photo en photo pour plonger dans ces vagues et ces feuillages qui appellent une contemplation et l’imaginaire. Elles racontent des histoires, celles que votre esprit crée, car Ilanit Illouz semble vouloir flirter avec les arrières-mondes.
Patel Brown Gallery
Direction Montréal ! D’immenses formats aux nuances de violet pendent sur les cimaises du secteur Curiosa. Ce sont ceux de Kara Springer qui a tendu ces voiles futuristes sur papier de riz japonais. Les photographies sont tirées sur les deux faces du papier et sont suspendues à une simple structure en bois, laissant le vent les porter.
Les œuvres de Kara Springer intriguent et représentent, en macro, les reliefs escarpés des montagnes et les textures rocheuses. Il y a là un contraste intéressant entre la dureté du sujet et la légèreté du support. Outre les grands formats, une série de dix collages photographiques, mêlant prises de vue de céramique et prises de vue montagneuses, est présentée comme des totems.
Kara Springer cherche à tisser un lien entre la forme et le fond. La photographie dépasse le simple cadre et tend à devenir une installation, une œuvre à la croisée des disciplines. Sur certains de ses tirages, les corps se mêlent à des représentations macroscopiques de formes non identifiées comme pour interroger sur l’altérité et la métamorphose.
Dans son travail et son exploration, Kara Springer intègre la lumière au sein de cadres programmés à l’aide de cartes électroniques. Une œuvre était exposée sur le stand de Paris Photo. Des archives photographiques de femmes de sa famille étaient présentées, mais le visage de ces dernières étaient masqués par des découpes d’argile cuite et scannées en haute définition. Les cadres s’illuminaient par intermittence, à chaque fois que l’artiste inspirait et expirait grâce à un capteur qu’elle portait.
Le secteur Curiosa permet de découvrir cette nouvelle recherche dans le domaine de la photographie, ce qui témoigne d’une vivacité du médium et des champs du possible. La Galerie Patel Brown, en ce sens, mérite une belle attention.
Up Gallery
Au dernier stand du secteur Curiosa, nous rencontrons l’artiste des photographies que nous regardions avec intérêt, saisi par la lumière douce qui s’en dégageait. Ronghui Chen est un jeune photographe représenté par la Up Gallery, une des rares galeries taïwanaises à proposer de la photographie à Taïwan.
Une mélancolie était perceptible. Il est difficile de rendre compte de ce sentiment en couleurs. Ronghui Chen y parvient et l’on a senti un quelque chose de Saul Leiter dans ses images. Le photographe présente une série issue de son livre réalisé pendant la pandémie de la COVID-19 en 2020. Enfermé, comme tout le monde, chez lui, Ronghui Chen a vécu la frustration des artistes de ne pas pouvoir s’épancher librement dans leur création. Aussi trouve-t-il une parade.
Dans son appartement, plongé dans une lumière tamisée, Ronghui Chen prend des clichés avec une vitesse très lente. Sur ces natures mortes, le photographe projetait à l’aide d’un vidéoprojecteur des images tirées de Google Maps. Ainsi, se dessinaient des paysages extérieurs dans l’intérieur de son appartement sur les objets du quotidien. Tout d’un coup, la vie semblait reprendre malgré les déserts urbains nouvellement créés.
Illustration : Rongui Chen, 470 College St, Jan 27, 2020, courtesy of Up Gallery.