Dans Le Jansénisme, un essai court et précis, Simon Icard revient sur la dimension proprement théologique de Port-Royal, souvent occultée par les versants littéraire et politique de ce mouvement.
Illustre inconnu que le jansénisme ; où plutôt, et comme le note Simon Icard dès son introduction, le célèbre mouvement théologique est connu avant tout pour des raisons non théologiques. Le génie littéraire de Pascal et la répression brutale de Louis XIV, s’ils sont indissociables de ce courant de pensée, n’en constituent en effet ni l’origine, ni le noyau. Et c’est précisément sur l’origine du jansénisme qu’entend revenir ce court essai.
Ce court essai a la double caractéristique d’être accessible et ardu. Accessible, il l’est par son didactisme et par son attention à resituer le contexte historique jusque dans ses détails les plus largement connus. Ardu, il est en raison de la matière : car si la question du jansénisme tient à un débat sur les causes, il est inévitable que l’exposé soit technique et serré. Cependant, il n’en devient jamais aride.
Le débat sur la grâce : une affaire de causalité
Repartant du texte de Jansénius et le resituant dans le contexte de son époque, ce livre explore « la difficulté du catholicisme moderne à penser une œuvre commune à Dieu et à l’homme qui soit totalement divine et totalement humaine ». Simon Icard nous explique en effet qu’à partir du XVIe siècle, le débat autour de la grâce – le salut par Dieu – ne pose plus à partir de la figure christique qui unit Dieu et l’homme, mais à partir de la figure d’Adam, c’est-à-dire de l’homme seul. Ainsi, il ne s’agit pas tant d’examiner l’union de l’homme et de Dieu que de répartir entre ces deux entités la responsabilité des bonnes actions : « Selon le principe des vases communicants, ce qui est accordé à la grâce divine est retiré à la liberté de l’homme et vice-versa ».
Comparant à ce sujet les doctrines des jésuites, des thomistes et des jansénistes, l’auteur nous guide au travers des différents types de cause mis en avant par les théologiens pour penser cette détermination des actions humaines : cause efficiente, causes concourante, cause instrumentale, cause sine qua non, cause sans laquelle et cause par laquelle. La démonstration, déjà largement synthétique, est difficilement restituable en peu de mots : je laisserai le lecteur intéressé s’y reporter.
Pour ce qui est du jansénisme, nous retiendrons cette définition : « une théologie qui pense la relation entre volonté divine et volonté humaine comme une domination et qui refuse le statut de cause efficiente à la volonté dominée ». En effet, pour les jansénistes, l’homme...