Horreur et réalisme, Dieu et le diable, deuil et fête, The Devil’s Bath est un film qui réunit les contraires dans un monde paradoxal, où la religion édicte ses lois et fait peser sur la société le poids de la norme.
Maladroitement sous-titré en français « Un enfant pour le diable », l’expression qui donne son titre au film n’a que peu de rapport avec Lucifer. Il s’agit avant tout d’une expression christique pour exprimer le tabou de la dépression. Seule différence, le suicide est aujourd’hui accepté dans nos sociétés (en partie) débarrassées de l’omniprésence de la religion, voire administré par l’État, à l’heure où notre Assemblée Nationale devait débattre de l’euthanasie pour les personnes en grande détresse psychiatrique. Au contraire, à l’époque dans laquelle se déroule The Devil’s Bath, le suicide est le plus grand des péchés et condamne à la damnation éternelle. Un cas exemplaire nous est présenté : le corps gisant d’un homme qui vient de se pendre, laissé à l’abandon dans un marécage. Quelle solution pour Agnes, jeune épouse qui souffre d’une infinie mélancolie ? Et surtout, qu’est-ce qui a bien pu engendrer ce mal ?
Douche glacée
Veronika Franz et Severin Fiala, dont The Devil’s Bath est le troisième long-métrage, réalisent habituellement des films strictement horrifiques. Cette fois, bien que leur connaissance des mécanismes de l’horreur soit manifeste, The Devil’s Bath est d’abord un film d’époque se déroulant dans les lugubres forêts de la Haute-Autriche. Immédiatement, dans cette première scène de mariage, le travail colossal de reconstitution fidèle du XVIIIᵉ siècle se fait sentir. Cependant, et c’est le regret que l’on peut avoir concernant cette reconstitution, la caméra semble parfois trop hésitante entre le visage de son personnage cadré de près en caméra épaule, et des plans plus larges, pour prendre du recul sur la situation, et décrire ces usages sur un mode ethnographique. Plusieurs scènes provoquent de la frustration : le dur labeur de la pêche ou bien le lavage des vêtements dans un ruisseau. Les plans sont magnétiques, amarrés au travail éreintant de ces hommes et ces femmes, mais la coupe survient trop tôt, et l’image est trop rapidement raccrochée au récit. On parvient tout de même à ressentir les rudes conditions, et notamment le froid qui semble coller à la peau des personnages, mais, et c’est peut-être à mettre au crédit de Franz et Fiala, les plans larges sont tellement hypnotisants qu’ils auraient mérité quelques minutes supplémentaires. Toute la première partie du film se trouve ainsi tiraillée entre le désir de sonder l’âme d’Agnes et la beauté plastique d’un regard ethnographique. L’étude complexe et forcément tronquée de cette communauté permet néanmoins d’en définir les codes et surtout la place des femmes. Ch...