Avec Une Affaire de famille, Kore-eda Hirokazu donne à son thème de prédilection l’une de ses plus belles déclinaisons. On se souvient de l’émotion provoquée par son portrait croisé de deux enfants échangés à la naissance dans Tel père, tel fils, Prix du Jury 2013. Refaisant appel à Lily Franky dans le rôle du « père », le réalisateur japonais nous invite cette fois au sein d’un foyer marginal ô combien attachant. Questionnant les liens du sang avec la délicatesse dont il a l’art, Kore-eda a de sérieuses chances de remporter la Palme d’or du 71e Festival de Cannes.
Sans emphase et avec un humour parfaitement dosé, Une Affaire de famille fait la part belle aux petits riens qui font les plaisirs simples d’un quotidien qui ne l’est pas. Formidable conteur d’histoires, Kore-eda a coutume d’entraîner son spectateur dans un univers tout en retenue et en émotions. Sur les réseaux, son film est déjà sacré « palme du cœur », et à juste titre, tant ses personnages nous touchent. Impossible de résister à la fillette qui entre fortuitement dans le quotidien de la tribu que Kore-Eda a imaginée. Le cinéaste, aussi aux manettes du scénario et du montage, indique qu’il avait envie de s’intéresser non pas à une famille liée par le sang « mais par les délits ».
Cette famille, c’est celle qui s’est constituée au fil des déboires de ses membres, dont aucun n’a de lien biologique avec les autres, mais qui vivent tous dans une harmonie de la débrouille. Sans faire l’apologie de ces galériens, ni les condamner, le metteur en scène montre comment s’organise leur vie de fortune
Trois générations
Entre menus larcins et vols à l’étalage précédés d’un rituel plein de légèreté, le clan à trois générations vogue tant bien que mal sur la mer houleuse des laissés-pour-compte. Le talent de Kore-eda tient à la simplicité qui se dégage de son film. Parvenant à mettre chacun de ses personnages sur un plan d’égalité, il filme l’enfance avec la patte qu’on lui connaît : celle de l’équilibre et de l’absence de condescendance.
Un message universel
Tandis que la question de la morale est omniprésente dans le film de Lars von Trier (The House That Jack Built, présenté Hors-Compétition), Une Affaire de famille montre comment frauder à l’assurance retraite permet à des inconnus de devenir proches. Accompagnées des mélodies d’Hosono Haruomi, les séquences drôles ou bouleversantes se succèdent dans un récit à la continuité bien menée.
La distribution sans fausse note invite quant à elle le public à s’identifier à ces personnages peu communs et pourtant universels. On saluera particulièrement l’interprétation douce-amère de Sakura Andô, protagoniste féminine dont la scène de larmes en arrachera quelques-unes aux âmes sensibles.
Une Affaire de famille, Kore-eda Hirokazu, avec Lily Franky et Sakura Andô. Date de sortie inconnue.
En Compétition.