Après Licorice Pizza (2021), le teen-movie qui fleurait bon la nostalgie, Paul Thomas Anderson change de registre avec Une Bataille après l’autre, film d’action contemporain, intense et calibré, boosté par son casting éclatant. Et pour son premier blockbuster, le cinéaste ne déçoit pas.

Du roman Vineland (1990) de Thomas Pynchon, écrivain américain dont Paul Thomas Anderson s’est déjà inspiré pour Inherent Vice (2014), Une Bataille après l’autre reprend librement les personnages loufoques, issus de mouvements libertaires et anticapitalistes de l’Amérique des sixties aux eighties. Le réalisateur choisit ceci dit de transposer cette critique acerbe des mandats de Nixon et Reagan à notre société contemporaine, ce qui lui permet d’en noircir les traits et les dérives sans fioriture. Ceux-ci sont pleinement incarnés par le Colonel Steven J. Lockjaw (Sean Penn), pathétique antagoniste viriliste et mal dans ses pompes, Bob (Leonardo DiCaprio), ancien révolutionnaire désabusé et paranoïaque, et sa fille Willa (Chase Infiniti), seize ans, indépendante et imprévisible. Une Bataille après l’autre nous conte les tribulations mouvementées de ces protagonistes aux utopies antipodiques. Dans une baraque planquée au milieu des bois, Bob passe ses journées à fumer des joints et picoler devant La Bataille d’Alger (1966) de Gillo Pontecorvo. Cristallisé dans sa douleur et le passé, Bob va pourtant devoir sortir de son cocon lorsque son ennemi juré, le Colonel Steven J. Lockjaw refait surface après seize ans de silence et que Willa disparaît. Remuant ciel et terre pour retrouver sa progéniture, Bob se retrouve implacablement face aux conséquences de ses antécédents contestataires… Qu’il va bien falloir affronter.
Paul Thomas Anderson n’a jusqu’alors jamais réalisé un projet d’une telle envergure, et l’on ne s’attendait pas à le voir aux manettes d’un blockbuster. Figure du cinéma indépendant américain, il s’est en effet vu allouer le budget le plus important de sa carrière pour son nouveau long métrage : pas moins de 140 millions de dollars, octroyés par Warner Bros. Avec cette coquette enveloppe, Paul Thomas Anderson offre à son dernier-né une mise en scène spectaculaire, ponctuée d’action à gogo et d’une atmosphère visuelle digne de ce nom, puisque le film a entièrement été tourné en VistaVision (format ressuscité plus tôt dans l’année par The Brutalist). Une aubaine oculaire pour les spectateurs, puisque ce format horizontal en 35 mm, né dans les années 1950 des mains de Paramount, octroie à Une Bataille après l’autre une image magnifiée par le grain de la pellicule, époustouflante et divinement détaillée. Paul Thomas Anderson livre par ailleurs un film à gros budget profond et intelligent, mélangeant habilement les genres et parsemé de réflexions politiques, sociétales et humanistes. Dans une période où les superproductions mondiales pullulent autant qu’elles captivent de moins en moins, Une Bataille après l’autre fait do...