5 cafés. 5 rencontres. Matis Leggiadro nous dresse le portrait vivant d’une nouvelle génération d’artistes et de créateurs à l’occasion de sa série Portraits d’artistes: les battements du vivant.Rencontre avec l’acteur, danseur et chanteur Axel Alvarez.

Axel et moi nous sommes rencontrés dans le Marais, il y a quelques mois, à la terrasse d’un café. Je me suis depuis souvenu d’un sourire vrai. Lui donner rendez-vous, dans un café de ce même quartier, était une évidence. Il arriverait un peu en retard, les écouteurs filaires blancs fixés dans les oreilles et coiffé d’un chapeau noir à plume d’or. Son air est toujours égal : un grand sourire et l’attitude du j’ai tout à faire et tout à la fois et chaque seconde d’ailleurs. Mais contre quel vide ce danseur, chanteur, comédien et performeur pouvait-il bien se battre ?

— Comment allez-vous ?
— Explosé par la vie.
— Pourquoi la vie vous explose-t-elle ?
— Parce qu’elle est difficile à comprendre. Faut-il la comprendre, d’ailleurs ?

Axel Alvarez répond vite aux questions, toujours très souriant. Son regard est constamment perdu par la fenêtre. Il cherche ailleurs les réponses. Pour celui qui est certain d’être membre malgré lui d’une société qui marchande la tristesse et autres petites choses sordides, l’agitation du dehors semble frapper comme une urgence. Seul l’espace du rêve restaure et sauve dans un même geste. C’est l’état naturel qui ralentit la perdition, le rêve, dit-il.

— Si vous croyez si peu dans les mécanismes de l’humanité, que gagnez-vous à la faire rêver ?
— Le monde aujourd’hui me fatigue plus que jamais, mais j’ai encore plus envie de rêver, et de le faire rêver.

Dans cette corrélation étrange, l’artiste échappe à l’explosion. Il faudra sauter, tenir la note haut, rougir, pâlir, danser, tourner, vêtir et dévêtir, sourire et s’arrêter, déplaire et acquérir ce supplément du monde qui le dépose au bonheur.

— Avez-vous été déçu en amour ?

Une minute de silence.

— J’ai aimé une seule personne de tout mon cœur. C’était une histoire impossible.

Une autre minute de silence.

— Quel âge avez-vous, Axel ?
— J’ai trente-deux ans.
— Qu’est-ce qui a changé avec le temps ?
— J’ai réalisé combien je vivais…
— Dans une contre-allée du réel ?
— Exactement.
— Préférez-vous le jour ou la nuit ? Pour exister ainsi.
— Le jour m’oblige au matin.

Pour la nuit, c’est une autre histoire. La lumière tombe du plafond et tout s’arrache. Axel est tout ce qu’il aime être, et la volonté s’accorde au désir et les deux s’accouplent dans une épreuve de contre-vie qui siffle, celle qui nous oblige au matin.

Le monde de la nuit fonctionne par espaces et par temporalités. D’aucuns diraient espace-temps, mais le pluriel est essentiel car la ville dissimule ces boîtes où tout s’annule pour naître différemment. Ces lieux sont des horloges niquées et des temporalités confuses. Ces lieux, Axel Alvarez, qui fit ses c...