La vie est une lutte.

C’est pas une façon de parler.

Entre les fachos et la planète qui se barre en couille, y a pas assez de 24 heures dans la journée pour mettre des seaux sous les gouttières.

Et puis y a le patriarcat. On s’en sort pas de cette merde.

Quand j’en ai trop marre je vais chercher la planche à repasser, je ramasse les draps déjà pliés, je mets de la pop, et je repasse les draps.

J’ai commencé à faire ça pendant le covid.

J’avais les cervicales en miettes à cause des zooms.

La visio n’en finissait pas, j’ai éteint ma caméra et monté le son, je me suis levée du bureau, j’ai déplié la planche à repasser. J’étais plus concentrée en repassant qu’en restant assise à fixer l’écran. J’ai continué comme ça tant que j’ai pu.

Ensuite y a eu moins de zooms mais j’ai continué à repasser des draps.

Sur mon temps libre, du coup. 

Je fais ça très mal.

Et c’est un gâchis d’électricité, ça sert à rien de repasser des draps. Il suffit de les plier.

Au début j’ai fait semblant de vouloir faire quelque chose d’intelligent pendant le repassage et j’ai mis des podcasts. Et puis en fait c’était chiant, j’écoutais pas vraiment.

Maintenant j’écoute de la pop.

Je mets mon casque. Je lance le flow. Je danse à moitié en repassant les draps.

C’est devenu une habitude. Dans le tram, dans la rue, je mets mon casque aussi. Je déambule comme toustes les autres aliens, chacun.e connecté.e par les oreilles à sa planète invisible. 

Je préfère ne pas savoir ce qu’il y a dans les airpods des gens en vélo.

La pop c’est en direct de la piste de danse.

Les mecs ont des émotions mais quand même ils sont là pour te protéger tu peux compter sur eux. Les meufs elles veulent être cueillies comme des petits oiseaux et puis aussi être elles-mêmes quoi merde. 

On y croit.

Au café je suis arrivée deux minutes en avance. 

Sur chaque table un petit napperon en dentelle, un soliflore, une tulipe une rose une branche de whatever séchée selon la saison, et un bougeoir avec un fond de bougie, la mèche dépasse.

Je regarde la bougie dans les yeux.

La serveuse ne me fait pas l’aumône de l’allumer.

Elle a mis des tranches de citron dans mon thé.

Il ne reste qu’à attendre.

Tu m’appelles plus pour me dire que tu pleures assis sur un banc.

Un crack dans la voix

Vocalises désespérées

Solo de guitare

Bientôt tout sera composé, I-V-vi-IV compris, par ChatGPT. Ça sera parfaitement formaté  pour rentrer dans les petites cases des frustrations de la ménagère de moins de cinquante ans.

Encore un truc qui va nous coûter des rivières, des fleuves.