« Quand je n’arrive pas à dormir, je pense à Marie Calloway. » Étoile filante du Tumblr littéraire des années 2010, elle a fait exploser les frontières entre intimité et fiction, avant de disparaître brutalement. Qui était vraiment Marie Calloway ? Peut-être celle qu’on rêve tous secrètement d’être : quelqu’un d’autre. 
Renée Zachariou lui livre ici un touchant hommage, en même temps qu’elle réfléchit aux apports littéraires de cette grande figure de l’alt-lit. 

Quand je n’arrive pas à dormir, je pense à Marie Calloway. 

Marie Calloway est une écrivaine d’une trentaine d’années qui vit à New York. Une femme bien réelle, qui ne lira jamais ces mots, puisqu’elle ne parle pas français. 

En fait je n’en sais rien, elle dévore peut-être du Virginie Despentes. Je n’en sais rien parce qu’on en a su d’abord trop, puis pas assez sur Marie Calloway. 

Années 2010. Un peu avant Instagram et TikTok, il y avait blogs. Si, comme moi, vous êtes nés dans les années 1990, vous soupirez en pensant à votre embarrassant Skyblog, qui a heureusement été purgé des mémoires en août 2023, avec la fermeture définitive de la plateforme. 

Marie Calloway n’habitait pas dans le 78, mais à New York, après une enfance à Las Vegas. Elle écrivait donc sur Tumblr, où elle racontait sa vie de toute jeune vingtenaire, souhaitant percer dans le monde des lettres, son quotidien, ses lectures, le travail du sexe qu’elle effectuait. 

Enfin, si j’en crois Internet, car Marie Calloway a depuis supprimé son Tumblr. Après avoir été célébrée, et surtout critiquée, comme it-girl littéraire, elle a disparu. Pas littéralement à la Salinger ou à la Syd Barrett, ou même à la Kate Bush. Ou si justement, littéralement. Marie Calloway était un pseudonyme et elle n’existe plus. 

Marie Calloway était un Petit Poucet d’Internet qui est revenu sur ses pas manger les miettes de pain. 

En ce moment, quand je n’arrive pas à dormir, je pense à Marie Calloway.

Je me demande qu’elle fait à cet instant. Je calcule grosso modo le décalage horaire avec New York. 

Elle doit être en train de prendre un brunch dans un loft lumineux, parce qu’elle a épousé un homme riche et n’a aucun problème avec ça. Elle s’endort dans des draps blancs et très fins. Elle achète du lait d’amandes à Whole Foods

Elle n’a de comptes à rendre à personne. 

Après avoir été un objet de fantasme et de mépris, elle s’est simplement effacée. Elle a trouvé plus de pouvoir à ne rien dire, qu’à s’exprimer. Laisser les haters dans leur coin.

Ce n’est pas que j’aimerais être Marie Calloway. 

Ce qui m’a fascinée dans Adrien Brody – le pseudonyme qu’elle attribue à un éditeur chauve de 20 ans son aîné, avec lequel elle vit une aventure – c’est qu’elle ne cherche pas à apparaître sous son meilleur jour. Elle passe son temps à acheter des choses ...