La littérature contemporaine s’attache de plus en plus à dépeindre la maternité avec réalisme. L’enjeu est de sortir du mythe longtemps entretenu par une littérature essentiellement masculine qui ignorait tout des conséquences profondes de cette expérience et de ses bouleversements.

Loin des représentations sacralisées ou fantasmées, une nouvelle parole s’affirme. Elle cherche à nommer ce qui a été mis sous silence : la fatigue, les ambivalences, les contradictions, le désir, la difficulté d’aimer, l’absence d’instinct parfois. Cette enquête explore les différentes manières, subtiles ou frontales, de s’emparer de la maternité afin de la raconter dans toute sa complexité.

Les débuts, les premiers jours de cette “vie d’après”, frappent souvent par leur violence et leurs contradictions. C’est le grand saut dans l’inconnu et la gifle d’une nouvelle réalité qui secoue. L’épuisement, les transformations du corps, les vagues hormonales et une certaine instabilité mentale caractérisent cette période. Dans Milk-bar (Actes Sud, 2024), Szilvia Molnar explore cette tension intérieure, cette lutte silencieuse pour ne pas sombrer. À travers la fuite de l’esprit, elle montre les mécanismes de la pensée pour survivre à l’irruption de cette nouvelle responsabilité. 

La même violence intime traverse Toutes les femmes sauf une de Maria Pourchet (Fayard, 2018). Ici, la maternité convoque le souvenir, la filiation et le vertige d’un héritage qui lie autant qu’il pèse. Devenir mère, c’est aussi affronter un schéma qui se répète et qui soumet les femmes.

D’autres récits s’attachent à l’expérience sensible et physique de cette responsabilité. Dans De son sang (éd. La Ville brûle, 2025), Capucine Delattre explore la complexité de la relation avec son enfant, les injonctions et le poids du jugement. 

Avec Être mère (L’Iconoclaste, 2024), Julia Kerninon réunit six autrices de talent, également mères, pour témoigner ensemble de ce changement de vie radical et de son impact sur la création. L’occasion de rappeler qu’il y a autant de manières d’être mère que de femmes.

C’est aussi ce que démontre Pedro Almodóvar qui, tout au long de sa carrière, a confié à Penélope Cruz différents rôles de mères d’une grande richesse, marqués par leur diversité. Leur complicité artistique a permis une exploration de la maternité loin des stéréotypes pour explorer des figures maternelles complexes et singulières.

Écrire sur la maternité c’est aussi donner la voix à des expériences rarement représentées comme le désir d’enfant chez les femmes lesbiennes. Dans Mammouth (Verdier, 2022), Eva Baltasar explore cette volonté comme un élan vital, mêlé à un discours primitif voire animal. À travers cette quête, elle interroge le désir d’enfant et sa possibilité quand on échappe aux normes hétérosexuelles et aux schémas traditionnels.

Récemment, les frères Dardenne ont proposé une réflexion sur la maternité à travers leur dernier film, Jeunes mères, récompensé du prix du scénario lors de la dernière édition du festival de Cannes. Celui-ci traite notamment de l’apprentissage à le devenir, loin de l’idée d’un instinct maternel inné. 

Ces œuvres sont à l’image d’un élan créatif qui refuse le mensonge et choisit, de plus en plus, la fidélité vis-à-vis de la réalité de la maternité. Une parole affranchie émerge, lucide et incarnée, pour dire que la maternité n’est pas un modèle mais une expérience. Ni héroïque ni honteuse mais difficile à vivre et à raconter.