Après 100 jours d’occupation entre décembre 2024 et mars 2025 par le Collectif des Jeunes du Parcs de Belleville, la Gaîté Lyrique reprend progressivement ses activités malgré le refus de la Ville de Paris de leur apporter une compensation financière. Retour sur la situation complexe de ce lieu culturel devenu un espace de dialogue entre manifestants et pouvoirs publics.
Le collectif des Jeunes du Parc de Belleville, c’est un regroupement de jeunes migrants mineurs qui rassemble des personnes de tous horizons en attente d’une solution de logement. En décembre 2024, le collectif prend possession du lieu, revendiquant une mise à l’abri des occupants. Ils sont 200 au début du mouvement, ils seront 450 au moment de l’expulsion. La Gaîté Lyrique, c’est un lieu culturel emblématique de la Ville de Paris, situé au cœur du 3e arrondissement. La programmation, créative et variée, se distingue surtout par sa dimension politique et solidaire, consciente et résolument tournée vers l’autre.
Un lieu culturel profondément engagé
Animé par le projet-pilier de La Fabrique de l’Époque, qui repose sur le consortium de cinq structures culturelles complémentaires, l’établissement porte des valeurs fortes : inclusion, création, transition écologique, et transmission du savoir. «Nous sommes convaincus par notre programmation qui doit être extrêmement engagée et collective, et qui doit aussi s’exprimer dans la manière d’appréhender le bâtiment, de l’ouvrir, le rendre accessible et de l’animer», appuie Juliette Donadieu, directrice de la Gaîté Lyrique.
Le lieu étant incontestablement orienté à gauche, on pourrait donc légitimement s’interroger sur le choix de cet établissement par les membres du collectif pour accueillir leur action. Cette question des lieux occupés alors qu’ils portent des revendications du même bord que leurs occupants, José-Manuel Gonçalves, directeur du Centquatre jusqu’en septembre 2025, la pose lors d’une interview pour France Culture en mai 2021. Dans le contexte pandémique, un regroupement d’acteurs du milieu de la culture avait d’abord occupé le Théâtre de l’Odéon pour protester contre la fermeture prolongée des espaces culturels. Alors que ces derniers commençaient à rouvrir, l’action s’est poursuivie au Centquatre, grand centre culturel parisien, principalement dédié au spectacle vivant. «Ce qui est difficile à comprendre, c’est l’occupation des lieux dont on défend la cause», questionne José-Manuel Gonçalves.
Quand une scène culturelle devient tribune sociale
Porteurs d’une charge symbolique, les choix sont aussi stratégiques ; la structure appartient à la Mairie de Paris et là où l’Etat reste silencieux, la Ville, elle, s’ouvre davantage aux négociations et les espaces qui lui appartiennent se retrouvent donc souvent en première ligne dans ce type de mobilisation. Alhassane, délégué du collectif des Jeunes du Parc de Belleville confirme : «Ce n’était pas un choix banal, c’était préparé trois mois à l’avance. La Gaîté Lyrique est un bâtiment situé dans le cœur de Paris, important dans la vie du quartier et sur la scène culturelle. Occuper un lieu appartenant à la Ville de Paris est aussi une manière d’interpeller les élus.»
Les jeunes à qui la reconnaissance de minorité a été refusée, dans l’attente d’une réponse après avoir fait recours, sont considérés comme « mijeurs » et n’ont donc plus le droit aux prises en charge d’urgence pour mineurs. L’enjeu est donc de leur trouver une solution d’hébergement en attente de la réponse du recours.
La culture en première ligne face aux carences de l’Etat ?
Choisissant d’assurer la sécurité du lieu et des jeunes, la Gaîté Lyrique se substitue aux autorités compétentes à qui il incombe de proposer des solutions. En ce sens, les espaces culturels, en plus d’être des espaces de dialogues, deviennent en quelque sorte des lieux d’ultime recours, en même temps que leur mise en danger par l’inaction des pouvoirs publics.
En accord avec leur politique d’ouverture et d’altérité, l’espace culturel prolonge donc son engagement s...